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Feuille de route n° 2                              Novembre 2024  

 

Chapitre 3 (« Une mission aux dimensions du monde »), Chapitre 4 (« Thessalonique, une évangélisation à risques »)  p.65 à 111 Actes 15 ; Galates 2, 1-14 (ch. 3) ; 1 Thessaloniciens 1, 1-10 (ch. 4) 

 

 

Chapitre 3 « Une mission aux dimensions du monde »

Nous abordons ce qui a été certainement un tournant majeur dans le développement de la foi chrétienne : l’accueil de ceux qui n’étaient pas juifs (pour les hommes : qui n’étaient pas circoncis), et la reconnaissance que l’observance de la loi de Moïse n’est pas une condition nécessaire au salut offert par Dieu en Jésus le Christ. C’était sortir de la tradition juive et entrer dans « une mission aux dimensions du monde ». 

La question est posée au cœur des Actes des Apôtres, au chapitre 15, dans une réunion officielle ( ?) des apôtres et des anciens. Elle est traitée différemment par Paul en Galates 2, 1-10. D. Marguerat résume rapidement le texte des Galates (p. 66) et s’étend un peu davantage sur le récit des Actes. Il remarque fort justement l’incompatibilité des deux présentations. Elles sont liées aux points de vue très différents de Paul et de Luc (p. 68). Puis il revient à la lettre aux Galates et à l’incident d’Antioche, qui, opposant Paul à Pierre, radicalise la position de Paul, qui défend la « vérité de l’Evangile » (Ga 2, 14) : l’enjeu pour lui est majeur, l’Evangile est pour tous, sans condition préalable. D. Marguerat soulève alors la question de la chronologie. Tous les exégètes s’y sont cassé les dents ; les chronologies de Paul et de Luc sont inconciliables. 

 

Luc situe la rencontre de Jérusalem après le premier voyage missionnaire de Paul par Chypre puis en Asie mineure jusqu’à Antioche de Pisidie, Lystre, Iconium (Konya) en Actes 13 -14 et avant le second voyage qui le conduira en Galatie (Ancyre/Ankara), puis en Grèce (Philippes, Thessalonique). Il assure ainsi le fait que Paul part annoncer Jésus Christ aux païens, avec l’aval de ceux de Jérusalem. D. Marguerat fait clairement le choix du scénario lucanien (p.72). 

 

Paul, en Galates 2, fait état d’un délai de 14 ans entre sa première montée à Jérusalem (pour rencontrer Céphas et Jacques) et le moment où, poussé par une « révélation »  (l’Esprit de Dieu ?), et donc un peu malgré lui, il monte à Jérusalem rencontrer Jacques, Céphas et Jean. Il a derrière lui « l’Evangile que je proclame chez les païens », autrement dit, des petites Eglises chrétiennes venues du paganisme (Galatie, Philippe, Thessalonique, Corinthe etc.) qui vivent de la foi du Christ, sans observer les rites et pratiques de la loi mosaïque, et qui sont bien vivantes ! Et c’est fort de cet appui que Paul va revendiquer une reconnaissance officielle de ceux de Jérusalem. Je pense que c’est après son second voyage missionnaire, vers 52, que Paul enfin monte à Jérusalem. 

Et puis, je me pose une question : faut-il vraiment chercher à concilier ces deux récits ? On voit bien que les faits sont chaque fois pliés à une démonstration de type théologique… Y a-t-il eu plusieurs rencontres ? En tout état de cause, je vous propose de vous pencher sur ces deux récits : 

 

Actes 15, 1-29 

1Certaines gens descendirent alors de Judée, qui voulaient endoctriner les frères : « Si vous ne vous faites pas circoncire selon la règle de Moïse, disaient-ils, vous ne pouvez pas être sauvés. » 2Un conflit en résulta, et des discussions assez graves opposèrent Paul et Barnabas à ces gens. On décida que Paul, Barnabas et quelques autres monteraient à Jérusalem trouver les apôtres et les anciens à propos de ce différend. 3L'Eglise d'Antioche pourvut à leur voyage. Passant par la Phénicie et la Samarie, ils y racontaient la conversion des nations païennes et procuraient ainsi une grande joie à tous les frères. 4Arrivés à Jérusalem, ils furent accueillis par l'Eglise, les apôtres et les anciens, et ils les mirent au courant de tout ce que Dieu avait réalisé avec eux. 

5Des fidèles issus du pharisaïsme intervinrent alors pour soutenir qu'il fallait circoncire les païens et leur prescrire d'observer la loi de Moïse.  6Les apôtres et les anciens se réunirent pour examiner cette affaire. 7Comme la discussion était devenue vive, Pierre intervint pour déclarer : « Vous le savez, frères, c'est par un choix de Dieu que, dès les premiers jours et chez vous, les nations païennes ont entendu de ma bouche la parole de l'Evangile et sont devenues croyantes. 8Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage, quand il leur a donné, comme à nous, l'Esprit Saint. 9Sans faire la moindre différence entre elles et nous, c'est par la foi qu'il a purifié leurs cœurs. 10Dès lors, pourquoi provoquer Dieu en imposant à la nuque des disciples un joug que ni nos pères ni nous-mêmes n'avons été capables de porter ? 11Encore une fois, c'est par la grâce du Seigneur Jésus, nous le croyons, que nous avons été sauvés, exactement comme eux ! » 12Il y eut alors un silence dans toute l'assemblée, puis l'on écouta Barnabas et Paul raconter tous les signes et les prodiges que Dieu, par leur intermédiaire, avait accomplis chez les païens. 13Quand ils eurent achevé, Jacques à son tour prit la parole : « Frères, écoutez-moi. 14Syméon vient de nous rappeler comment Dieu, dès le début, a pris soin de choisir parmi les nations païennes un peuple à son nom. 15Cet événement s'accorde d'ailleurs avec les paroles des prophètes puisqu'il est écrit : 16Après cela, je viendrai reconstruire la hutte écroulée de David. Les ruines qui en restent, je les reconstruirai, et je la remettrai debout. 17Dès lors le reste des hommes cherchera le Seigneur, avec toutes les nations qui portent mon nom. Voilà ce que dit le Seigneur, il réalise ainsi ses projets 18connus depuis toujours. 

19« Je suis donc d'avis de ne pas accumuler les obstacles devant ceux des païens qui se tournent vers Dieu. 20Ecrivons-leur simplement de s'abstenir des souillures de l'idolâtrie, de l'immoralité, de la viande étouffée et du sang. 21Depuis des générations, en effet, Moïse dispose de prédicateurs dans chaque ville, puisqu'on le lit tous les sabbats dans les synagogues. »  22D'accord avec toute l'Eglise, les apôtres et les anciens décidèrent alors de choisir dans leurs rangs des délégués qu'ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabas. Ce furent Judas, appelé Barsabbas, et Silas, des personnages en vue parmi les frères.  23Cette lettre leur fut confiée : « Les apôtres, les anciens et les frères saluent les frères d'origine païenne qui se trouvent à Antioche, en Syrie et en Cilicie. 24Nous avons appris que certains des nôtres étaient allés vous troubler et bouleverser vos esprits par leurs propos ; ils n'en étaient pas chargés. 25Nous avons décidé unanimement de choisir des délégués que nous vous enverrions avec nos chers Barnabas et Paul, 26des hommes qui ont livré leur vie pour le nom de notre Seigneur Jésus Christ. 27Nous vous envoyons donc Judas et Silas pour vous communiquer de vive voix les mêmes directives. 28L'Esprit Saint et nous-mêmes, nous avons en effet décidé de ne vous imposer aucune autre charge que ces exigences inévitables : 29vous abstenir des viandes de sacrifices païens, du sang, des animaux étouffés et de l'immoralité. Si vous évitez tout cela avec soin, vous aurez bien agi. Adieu ! 

 

De quoi Paul et Barnabas sont-ils accusés ? (v. 1-5) 
Notez la solennité de l’assemblée (v. 6) et de la décision (v. 28). 
Qui parle ? Quel thèse Pierre défend-il ? 

 La décision prise par Jacques répond-elle seulement à la question de la circoncision ? (v 19-20 et 28-29) Quelle est la place de Paul ?  Paul, parfait chargé de mission de l’Eglise de Jérusalem ? 

 

Galates 2, 1-14 

1Ensuite, au bout de quatorze ans, je suis monté de nouveau à Jérusalem avec Barnabas ; j'emmenai aussi Tite avec moi. 2Or, j'y montai à la suite d'une révélation et je leur exposai l'Evangile que je prêche parmi les païens ; je l'exposai aussi dans un entretien particulier aux personnes les plus considérées, de peur de courir ou d'avoir couru en vain. 3Mais on ne contraignit même pas Tite, mon compagnon, un Grec, à la circoncision ; 4ç'aurait été à cause des faux frères, intrus qui, s'étant insinués, épiaient notre liberté, celle qui nous vient de Jésus Christ, afin de nous réduire en servitude. 5A ces gens-là nous n’avons pas cédé, même pour une concession momentanée, afin que la vérité de l'Evangile fût maintenue pour vous. 6Mais, en ce qui concerne les personnalités – ce qu'ils étaient alors, peu m'importe : Dieu ne regarde pas à la situation des hommes – ces personnages ne m'ont rien imposé de plus. 7Au contraire, ils virent que l'évangélisation des incirconcis m'avait été confiée, comme à Pierre celle des circoncis, 8– car celui qui avait agi en Pierre pour l'apostolat des circoncis avait aussi agi en moi en faveur des païens-, 9 et, reconnaissant la grâce qui m’a été donnée, Jacques, Pierre et Jean, considérés comme des colonnes, nous donnèrent la main, à moi et à Barnabas, en signe de communion, afin que nous allions, nous vers les païens, eux vers les circoncis. 10Simplement, nous aurions à nous souvenir des pauvres, ce que j'ai eu bien soin de faire. 

11Mais, lorsque Céphas vint à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, car il s'était mis dans son tort. 12En effet, avant que soient venus des gens envoyés par Jacques, il prenait ses repas avec les païens ; mais, après leur arrivée, il se mit à se dérober et se tint à l'écart, par crainte des circoncis ; 13et les autres Juifs entrèrent dans son jeu, de sorte que Barnabas lui-même fut entraîné dans ce double jeu. 14Mais, quand je vis qu'ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l'Evangile, je dis à Céphas devant tout le monde : « Si toi qui es Juif, tu vis à la manière des païens et non à la juive, comment peux-tu contraindre les païens à se comporter en Juifs ? » 

 

Une question d’atmosphère ? (v. 1-5) Notez le vocabulaire militaire, et l’émotion qui transparaît dans la construction des phrases. Quelle est l’argument majeur de Paul ? (v. 2) L’accord passé : un partage des terres de mission ? (v. 6-10) Quel conflit à Antioche ? (v. 11-14) Notez que  le mot traduit par « ce jeu, ce double jeu » (v. 13) désigne en grec le jeu de l’acteur masqué et se dit hupokrisis. Peut-on définir les deux choix en présence : choix d’un compromis (Pierre), choix de la radicalité (Paul) ? 

 

 

Reprenons la lecture du livre de D. Marguerat. Les pages 73 à 79 suivent le deuxième voyage missionnaire de Paul, de lecture bien agréable, Elles s’appuient entièrement sur les Actes des Apôtres. On croise avec des renseignements tirés des Galates et des lettres aux Corinthiens.  D. Marguerat met à notre disposition bien des recherches sur les métiers et les voyages à l’époque. On pourrait ajouter avec M.F. Baslez que Paul appartenait à une corporation de fabriquant de tentes et allait là où des membres de cette corporation pouvait l’accueillir (outre la présence de synagogues, quand il y en avait une -elles étaient rares en Grèce). 

 

L’auteur des Actes se fait-il vraiment plus « théologien qu’historien » ? (p.74) Ou sa conception de l’histoire, qui suppose une enquête et des documents consultés, n’est-elle pas dominée par l’idée (théologique) que c’est l’Esprit de Dieu qui conduit la parole de Jérusalem jusqu’à Rome (voir le programme en Actes 1, 8) ? 

On ne saurait trop insister sur ce maillage d’Eglises et sur l’importance de ces réseaux, qui permettront dans les deux siècles suivants des progrès étonnants de l’évangélisation.   C’est le résultat des travaux de M.F. Baslez (L’Eglise à la maison, Salvator 2021). 

Une belle définition de ce que devrait être toute annonce chrétienne : « saisir les impératifs du moment pour inscrire l’Evangile dans l’épaisseur de la vie » (p. 79). 

 

Deuxième Partie, « Une pensée en construction » Chapitre 4 : « Thessalonique, une évangélisation à risque »
La lecture de ce chapitre est absolument passionnante : on y apprend mille détails documentés sur les voyages à travers l’Empire romain (ce que l’évangélisation doit aux routes romaines !), sur l’homme « en réseau » qu’était Paul (sans oublier les réseaux d’artisanat), sur l’écriture d’une lettre, une œuvre collective dictée à un scribe. Et si vous voulez en savoir plus, les notes vous donnent une bibliographie récente, je signale surtout le livre de T. Dorandi, Le stylet et la tablette (p. 92).

Le séjour de Paul à Thessalonique est d’abord présenté à travers les Actes des Apôtres. A lire d’un œil critique, même si l’essentiel est vraisemblable.  Mais on s’interroge un peu quand on sait le principe d’écriture de Luc qui est le parallèle entre les premiers disciples et Jésus lui-même (en termes techniques un peu pédants, les « syzygies »), car on retrouve un peu trop facilement le schéma de la passion de Jésus : hostilité des autorités ou notables juifs à l’annonce chrétienne, dénonciation aux autorités romaines (« ils acclament un nouveau roi, Jésus »), et la décision des Romains de mettre à mort, exclure ou chasser les trublions !  Ceci dit, cette présentation explique en partie le coup de gueule inadmissible de Paul contre les Juifs ! (1 Th 2, 15-16).

 

D. Marguerat vous fait alors entrer dans la lettre et souligne quelques thèmes majeurs (j’en ajouterai quelques-uns en vous proposant deux textes à lire). Il rappelle d’abord que les lettres pauliniennes suivent normalement le schéma : action de grâce pour les dons de Dieu, puis exhortation, c’est le mouvement normal aussi de la prière.  Ici l’action de grâce est redoublée et s’étend sur plus de la moitié du texte. La lettre, dit-il, est une façon d’être présent à distance, très prisée dans l’Antiquité (p. 95). A propos de Paul, Claude Tassin parlait de « media froid », permettant de calmer des relations devenues trop tendues et houleuses ! Mais la passion naturelle de Paul est telle que même par lettre il s’échauffe beaucoup ! 

 

Je souligne notamment ce que DM dit des sentiments « maternels » de Paul, qu’on retrouve en Galates 4, ce « chérissement », que les chrétiens n’attribuent pas spontanément à Paul (p.99-101) ! 

 Il faut aussi insister sur l’importance de la Parole, l’Evangile, qui, reçue comme Parole de Dieu, devient efficace et énergique en ceux qui la reçoivent ; la Parole s’incarne au sens fort dans les communautés (1 Th 2, 13). 

Je suis reconnaissante aussi à D. Marguerat de la façon dont il affronte « le » texte anti-juif de Paul, le seul, qui joint aux griefs chrétiens les clichés romains éculés contre les Juifs « ennemis du genre humain ». Difficile, mais au moins, nous sommes avertis, Paul est capable de déraper ! Sans jamais oublier que Paul est Juif et que Juif il demeurera jusqu’au bout ! (p.102-105) 

 

Enfin la prise en compte du deuil chez les chrétiens et les interrogations que cela suscite sur la venue attendue, imminente ( ?) du Seigneur (p.10—108). Il n’est pas sûr que Paul ait attendu cette parousie de son vivant ; il est possible qu’il utilise ici pour les besoins de la consolation des images issues de l’apocalyptique, un scénario emprunté, qu’il abandonne d’ailleurs en route, pour affirmer l’essentiel : il est certain que, pour lui, le chrétien est dans sa vie comme dans sa mort et définitivement « avec le Seigneur ». On peut aisément repérer dans cette « consolation » (4, 13-18) deux parties : -Le principe qui fonde « l’espérance » (v.13-14) -L’imagerie apocalyptique de la « venue du Seigneur », d’ailleurs très sobre. Et qui se termine étrangement avec une rencontre dans les airs, flottant entre terre et ciel…  (v. 15-18). Chez Paul, toute évocation d’une attente de la venue du Seigneur (ou de la mort-rencontre) débouche sur une exhortation à la vigilance et à la plénitude d’une vie attentive : vous êtes les fils du jour ! Et avec son sens de la formule, D.Marguerat conclut sur une affirmation magnifique : « vous êtes des enfants de l’avenir » !

 

Ayant lu ces pages, et les idées force que D. Marguerat met en italiques, je vous propose de lire de plus près l’ouverture de 1 Thessaloniciens, le chapitre 1 : 

 

1Paul, Silvain et Timothée à l'Eglise des Thessaloniciens qui est en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus Christ. A vous grâce et paix. 2Nous rendons continuellement grâce à Dieu pour vous tous quand nous faisons mention de vous dans nos prières ; sans cesse, 3nous gardons le souvenir de votre foi active, de votre amour qui se met en peine, et de votre persévérante espérance, qui nous viennent de notre Seigneur Jésus Christ, devant Dieu notre Père, 4sachant bien, frères aimés de Dieu, qu'il vous a choisis. 

5En effet, notre annonce de l'Evangile chez vous n'a pas été seulement discours, mais puissance, action de l'Esprit Saint, et merveilleux accomplissement. Et c'est bien ainsi, vous le savez, que cela nous est arrivé chez vous, en votre faveur.  6Et vous, vous nous avez imités, nous et le Seigneur, accueillant la Parole en pleine détresse, avec la joie de l'Esprit Saint : 7ainsi, vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de Macédoine et d'Achaïe. 8De chez vous, en effet, la parole du Seigneur a retenti non seulement en Macédoine et en Achaïe, mais la nouvelle de votre foi en Dieu s'est si bien répandue partout que nous n'avons pas besoin d'en parler. 9Car chacun raconte, en parlant de nous, quel accueil vous nous avez fait, et comment vous vous êtes tournés vers Dieu en vous détournant des idoles, pour servir le Dieu vivant et véritable 10et pour attendre des cieux son Fils qu'il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous arrache à la colère qui vient. 

 Je vous propose d’y découvrir aussi ce que D. Marguerat n’a pas le temps de dire, notamment le fait massif d’une invention et mise en œuvre de ce qui deviendra le vocabulaire chrétien : 

 - D’abord en 1, 1 le mot ekkèsia « église » que Paul est le premier à employer pour l’offrir à un petit groupe chrétien (étaient-ils 40 ? 80 ? à Thessalonique). Le terme désigne dans le monde grec l’assemblée du peuple qui se réunit pour sanctionner les lois et vérifier les comptes de fonctionnaires sur l’agora ; le peuple, entendons en monde grec : les mâles citoyens, libres. Ni femmes ni esclaves, ni étrangers de passage. Or Paul offre cet honneur à un groupe de femmes et d’hommes, d’esclaves et d’hommes libres, de métèques comme de citoyens : une incroyable nouvelle dignité ! C’est aussi quelque fois dans la Septante (Deutéronome) le peuple au désert en marche vers la terre promise ! Encore une image forte et une espérance inouïe. 

-La triade théologique : foi, espérance et amour (v. 3). Paul est à peu près le premier à employer le mot agapè. On le trouve avant lui en Sagesse 3, 1-9 où il est associé à l’espérance et la confiance ; de même chez le Siracide. 

-Le mot « modèle », en grec tupos  (v. 7) il s’agit de la bague en creux qui sert à imprimer le sceau dans la cire pour cacheter une lettre. Devenir le tupos, c’est devenir le moule en creux qui fait naître d’autres croyants « en relief » ! Ce qui met en place déjà une autre forme d’annonce et de témoignage que  la mission des apôtres : un groupe qui vit sa foi de telle façon que la rumeur se répand et porte témoignage (v. 8 ; voir Philippiens 2, 15). 

- Enfin la surprenante annonce de ce chapitre : aux Thessaloniciens issus d’un monde païen, Paul annonce d’abord le « Dieu unique, vivant et vrai », vers lequel ils doivent « se tourner » (« se convertir »), en abandonnant les idoles mortes.  On cherche souvent dans les lettres de Paul (et dans les Actes) un modèle de la prédication aux populations qui n’ont pas connu la tradition juive.  On découvre alors que Paul commence par l’annonce de l’unicité de Dieu, le Dieu un qui est le Dieu d’Israël. Autrement dit, il ne s’agit pas de passer par les pratiques de la Loi de Moïse, mais nécessairement par une tradition et une Ecriture qui a transmis la foi au Dieu un, au Dieu Père. Le raccourci est alors fabuleux car la proclamation chrétienne suit aussitôt : il a un Fils qu’il a ressuscité d’entre les morts. 

 Nous pouvons être surpris par son rôle « nous arracher à la colère qui vient » (v. 10). La « colère » dans les Ecritures juives, c’est le jugement de Dieu, son incompatibilité avec le mal et l’idolâtrie ; cela évoque aussi dans le monde grec le châtiment divin car les dieux sont toujours prêts à punir l’hubris humaine, autrement dit toute démesure, toute prétention, et nul n’est à l’abri.