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A.Wénin, Genèse 1-11 ou les errances de l’humain,

Chapitre 3 : Le serpent, le fruit et du malheur (p. 87 à 130), Genèse 3, 1-24

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Un chapitre un peu lourd, et un texte de la Bible terriblement difficile !


Petits rappels :
1- Un gros travail a été fait pour améliorer le forum. Désormais vos questions (et remarques) avec mes réponses, placées sous Posez vos questions, se trouveront en bas de la page Last, qu’on trouve tout en bas de Posez vos questions.

2- Nous abordons des textes difficiles. Et certains d’entre vous trouvent que la lecture de Wénin n’est pas simple non plus : je les comprends !
Que ce ne soit pas une raison pour abandonner. Dans la feuille de route, je vous indique ce qu’il est important de lire dans Wénin, ce sur quoi vous pouvez passer plus rapidement.
Dans tous les cas, c’est le texte biblique qui compte. Et la lecture que vous en faites.
Le commentaire de Wénin est une façon de nous interroger, de repérer les écueils, les aspérités, les difficultés.
Vous pouvez aussi vous inspirer de ce que vous avez compris ou senti dans la feuille de route pour aller plus loin dans le texte biblique et tenter de le comprendre à nouveaux frais. Ensuite ce sera plus facile de lire Wénin.

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 1-Organisation littéraire
 
Après avoir lu le texte dans la traduction Wénin, vous trouvez des propositions de plan ou structure de cet ensemble.
Les explications données ne sont pas toujours très claires. Je vous conseille de regarder surtout les tableaux pages  90 et 91. Dans chaque cas, repérez ce qui est au centre de la structure :
D’abord, la femme et son homme mangent le fruit et se découvrent nus (p. 90)
Puis (p.91),  de part et d’autre de la question de la nourriture (« manger »), on a au centre la question de la honte et de la peur (« se cacher »).
D’un côté la femme et l’homme sont d’accord pour manger
De l’autre la peur les sépare et ils accusent, cherchent un coupable…
Au centre, l’étonnante question qui souligne la liberté des humains  « Où es-tu ? »

Puis page 92, un gros plan sur les versets 14-19 : paroles de Dieu pour le serpent/pour la femme/ pour l’homme.
Et page 93 la conclusion centrée sur le lien de l’humain à la terre, dont il vient et à laquelle il retournera.

 

2- Une profonde continuité : le serpent
Prenez le temps de vous interroger sur la figure du serpent.
Une créature, déjà présente (« le serpent était astucieux/nu… »)
Un rattachement avec le chapitre précédent par cette présence, et par le jeu de mots : ils étaient nus, le serpent était nu (ou astucieux, les deux adjectifs sont très proches).
Wénin va tenter de montrer que le serpent s’engouffre dans la faille produite dans la femme par l’attitude de domination de l’homme qui ne lui adresse pas la parole et l’instrumentalise.
A discuter.
Mais c’est une façon de poser la bonne question (et de la résoudre trop vite) : quel est le lieu du serpent, extérieur ou intérieur à l’humain ?

3- Le serpent et la convoitise
4 pages d’analyse de la stratégie du serpent. Il se glisse dans les paroles de Dieu qu’il déforme insidieusement (voir le tableau en bas de la page 95).
La femme rectifie ces paroles, mais en les modifiant légèrement.
Evidemment c’est l’image de Dieu qui est en cause, une image faussée peut-être déjà présente dans la tête de la femme, mais que le serpent va renforcer : un Dieu jaloux de sa puissance, un Dieu qui ment, un Dieu redoutable.
Analyse très fine de la façon dont le serpent conduit la femme à « vouloir être comme des dieux », en se proposant lui-même comme une autre image de Dieu…(p.98 – 101).
La citation d’Isaïe 5, 10 qui termine cette étude résume magnifiquement ce qui est en train de se passer (p. 102) « ils déclarent mal le bien et bien le mal ». Tel est le résultat de la main mise sur l’arbre du connaître bien et mal.

Wénin s’applique alors à dégager la logique que met en œuvre le serpent, et qu’il nomme « convoitise ». Je signale que dans la tradition juive de langue grecque, la « convoitise » est le péché par excellence, dénoncé dans le Décalogue (Exode 20, 17, voir Romains 7, 7).

Je vous laisse lire la belle analyse de la convoitise comme fascination de ce que l’on désire, réduction en esclavage de soi-même, l’objet désiré devenant l’idole qui vous asservit et vous détruit, mais qui détruit aussi les relations entre les humains (p. 102-105).

La question est alors : pourquoi la figure du serpent ? réalité extérieure ou pure projection d’un désir intérieur qu’on ne limite pas et qui envahit tout ?
L’idée d’une domination nécessaire de l’animalité en soi est tout à fait séduisante et en grande partie juste (p.106-108).
Je résiste tout de même un peu : la méchanceté humaine dépasse et de loin toute la violence du règne animal. Et même si une horde de loups affamés peut être d’une cruauté impitoyable, que je sache, aucun animal n’a inventé ni l’Inquisition, ni Auschwitz !
A vous de juger !


 4- Adonaï Elohîm et le jugement
Une belle explication de la « nudité » perdue : dans le monde mené par la convoitise, la confiance est perdue, et chacun devient d’une vulnérabilité extrême, chacun devra se protéger de l’autre. Dieu d’ailleurs fera des tuniques de peau pour habiller les humains.

Je résiste un peu à l’idée (trop contemporaine et tellement stupide) d’une « réduction » de la femme à la fonction maternelle. Dans une culture où la question majeure, vitale pour tout groupe humain, est de survivre et de prolonger sa vie dans une descendance, l’idée de réduction est mal venue (p. 108-109).
Mais l’essentiel des pages qui suivent permet de suivre la dérive de l’image de Dieu (p. 109-112). Au fond à partir du moment où les humains ne font plus confiance à Dieu, l’image de celui-ci change du tout au tout, et cette nouvelle figure du Dieu juge, du Dieu jaloux et du Dieu vengeur va occuper toute la fin du chapitre.
Désormais nous voyons Dieu par les yeux des humains trompés par le serpent : un Dieu juge, un Dieu qui punit, un Dieu qui chasse loin de lui… Mais qui donc s’est éloigné et caché loin de Dieu ?
Wénin procède en deux temps : il reprend d’abord le récit des versets 11-26 sous le titre Dérive de l’image de l’Elohîm. Et ce récit est tout entier du point de vue des humains qui viennent de refuser la limite et de renoncer à faire confiance à Dieu. Il faut bien comprendre qu’alors Dieu devient un Dieu juge, un Dieu qui punit, et un Dieu qui expulse.
Je reviens tout de suite sur cette expulsion du dernier verset (qui n’est pas une chute) : telle est la vision de ceux qui refusent de faire confiance au Dieu qui bénit, et qui vivent leur existence comme un exil loin d’un Eden fantasmé (« le paradis perdu ») ! Il n’y a jamais eu de paradis, perdu ou non, « au commencement ». Il y a une bénédiction sur un monde en marche, confié aux humains qui, refusant constamment d’entrer dans la bénédiction, en ont fait ce qu’il est, un monde de violence et de souffrance….

La question est : pourquoi la tradition chrétienne a-t-elle constamment pris pour argent comptant le point de vue faussé des humains ? Manque de perspicacité dans la lecture ?
Aplatissement du récit mythique sur une pseudo-historicité ? Ou parce que c’est tellement plus simple d’avoir l’image d’un Dieu juge et qui punit les méchants (surtout lorsqu’on se situe du côté des justes)….

5- Une autre lecture (p. 113-124)
Wénin reprend alors pas à pas le récit en démontant dans chaque scène le point de vue faussé. Dieu ignore vraiment où se trouvent les humains. Il n’est pas un juge d’instruction mais un ami qui veut aider (p. 113-115).
J’insiste sur le processus de rejet de la faute sur l’autre : l’homme renvoie aussitôt la culpabilité sur la femme, qui renvoie aussitôt sur le serpent.
A méditer :  le mal et le mensonge évidemment divisent, dressent l’un contre l’autre. Mais le piège le plus subtil est de pousser à chercher un coupable, une origine (d’où vient le mal). Chercher un coupable, c’est ouvrir la chasse aux sorcières et finir plus ou moins vite par trouver un bouc émissaire. A moins que le coupable ne soit Dieu.
Cela parce qu’on refuse d’endosser la responsabilité.
On pourra toujours discuter de la réalité de Satan, la caisse de résonance du mal sinon sa source, c’est bien le cœur humain. On le verra avec le chapitre 4.

Que dire alors du « châtiment », dont Wénin démontre longuement qu’il n’est que la conséquence du refus de la limite et de l’entrée dans la défiance et le mensonge (p.115-122).
Il faut revenir sur la figure du serpent : figure (extériorisée ?) de la convoitise qui tue.
Et dans le conflit qui opposera les humains au serpent, Dieu prend parti, et annonce-promet que la descendance de la femme saura vaincre le serpent !
La suite n’est qu’un constat de la dure condition humaine travaillée par le désir de domination et par la convoitise.

Bien sûr, le texte cherche à « expliquer » par un châtiment les duretés de l’existence humaine, mais en réalité, elles sont en grande partie les conséquences de la façon qu’ont les humains de poser des choix, et d’abord celui de respecter ou non la limite qui protège l’autre, de mettre ou non la main sur la toute puissance et la maîtrise de toutes choses.
Conséquences mortifères de sa gestion des relations aux autres et à la terre !

Il reste bien sûr, et Wénin ne l’aborde pas,  le caractère irréductible du mal, quand l’humain n’est pas en cause : séismes, tsunamis, volcans, maladies… Le mystère du mal que nul ne peut percer ; ces forces du chaos qui continuent à menacer la création… et contre lesquelles Dieu continue de lutter avec nous. L’humain est certes sommé de lutter contre les forces du mal et largement armé pour le faire ; mais il doit savoir que Dieu « lutte » à ses côtés !

Wénin parviendra-t-il à vous convaincre que le chemin de l’arbre de vie est désormais « à garder » ? (p. 122-124).
De mon point de vue, la mainmise des humains sur l’arbre du connaître bien et mal exprime le fait qu’ils se sont arrogés le pouvoir de juger du bien et du mal (quitte à les pervertir), et qu’ils se sont aussi arrogés le droit de donner la mort, donc d’attenter à l’arbre de vie.
Peut-être est-ce cela que signifie cette « garde » d’un long chemin à vivre pour reconnaître que seul Dieu est le maître de la vie.

C’est ainsi que les humains avancent dans un monde difficile, accompagné de la promesse d’une victoire sur le mal, et avec la certitude, si l’on relit les trois chapitres, que la bénédiction est première, antérieure à toute malédiction, et qu’elle reste donc l’horizon vers lequel nous devons marcher. A condition d’accepter de reconnaître la vérité de ce qu’est Dieu et du don qu’il ne cesse de nous faire.

Je vous laisse en prime lire la conclusion (p. 125-130), un peu compliquée, mais qui montre l’utilisation de ce texte en monde juif, en Sagesse 1-2 (« par l’envie du diable, la mort est entrée dans le monde » ; par Paul en Romains 5, 12 : « par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché, la mort » ; par Jacques 1, 13-15 : « chacun est tenté par sa propre convoitise, … et l’erreur arrivée à terme engendre la mort » .
Mais surtout c’est à vous de conclure ( ?) ensemble !


Bonne lecture !
Roselyne

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