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Commentaires

Posté par Roselyne

ven 26/05/2023 - 20:51

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Vous posez évidemment LA bonne question ! A laquelle je n'ai évidemment pas de réponse, et que le texte biblique occulte ou brouille soigneusement. C'est pour cela que j'énumérais : le serpent ? la femme ? Adonaï ? La faute à qui ?
Evidemment la Bible refuse de proposer une réponse car ce serait tomber dans le piège : le mal est accusateur par excellence (ou par essence), c'est le sens du mot "satan", et trouver un coupable consiste à jouer son jeu ... On cherche un bouc-émissaire, on le tue... et on n'a rien gagné du tout, car au lieu de disparaître, le mal a grandi.

J'essaie de poser les balises que la Bible propose :
Dieu est incompatible avec le mal : s'il était cause du mal, il ne serait plus le Dieu auquel Israël croit, le Dieu auquel nous croyons (et j'arrête ici le forum, ce n'est pas le Dieu auquel je crois).
Le mal est là, non pas à l'origine, mais très vite, dès que les humains sont conscients de leurs limites : ils veulent les transgresser et se dressent contre Dieu. La question alors est "pourquoi ?"…. pour être comme des dieux ? C’est la suggestion du serpent !
Mais les auteurs bibliques suivent une autre piste : Dieu, lui,  veut aider les humains à lutter contre le mal. Il les prévient : transgresser la limite, c'est rendre la relation impossible (mettre la main sur tout et sur l'autre bien sûr) ; jalouser son frère conduit au meurtre... Et Dieu invite alors à "dominer" la bête (le péché) tapie à la porte du coeur.
A. Wénin traduit cela : maîtriser la part d'animalité en soi.
J'ai envie de le dire autrement : accueillir sa propre vie comme un don ; accepter la condition de créature relationnelle, donc limitée et dépendante ; accueillir l'autre comme un don et non comme un concurrent, etc,

Du coup, on peut revenir sur votre question : peut-on, doit-on pardonner à Dieu ?
Mais Dieu nous a tout remis, tout donné, jusqu’à, aux yeux des chrétiens, se donner lui-même en Jésus. Alors cela reviendrait à se demander si nous pouvons, si nous devons pardonner à l’humanité, nous pardonner à nous-même…
Oui, c’est un choix. Et se pardonner à soi-même (et à l’humanité en soi) s’appelle la foi : foi en l’humain, foi en Dieu, c’est indissociable. Ce que la Bible nous apprend, c’est que Dieu, lui, va garder jusqu’au bout sa foi en l’être humain ; il nous fait crédit et ne cesse ce renouveler ce crédit.

Il y a une autre piste, celle que suggère Etty Hillesum, mais c'est peut-être une autre façon de dire la même chose :

« Oui, mon Dieu, tu sembles assez peu capable de modifier une situation finalement indissociable de cette vie. Je ne t’en demande pas compte, c’est à toi au contraire de nous appeler à rendre des comptes, un jour. Il m’apparaît de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon cœur que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous… » (Etty Hillesum, Une vie bouleversée, Points).

Posté par F.GEREMY (visiteur)

sam 27/05/2023 - 00:33

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Je n'ai pas non plus de réponse toute faite à ce problème essentiel, mais j'aime,bien celle esquissée par le pape Benoît XVI dans son encyclique inaugurale écrite en 2005: "Deus Caritas est" et dont voici un extrait.

« …C’est surtout le prophète Osée qui nous montre la dimension de l’agape dans l’amour de Dieu pour l’Homme, qui dépasse de beaucoup l’aspect de la gratuité. Israël a commis l’adultère, il a rompu l’Alliance ; Dieu devrait le juger et le répudier. C’est précisément là que se révèle cependant que Dieu est Dieu et non pas l’Homme : « Comment t’abandonnerais-je, Ephraïm, te livrerais-je, Israël ? Mon cœur se retourne contre moi, et le regret me consume. Je n’agirais pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirais plus Israël, car je suis Dieu, et non pas homme: au milieu de vous, je suis le Dieu Saint » ( Os 11,8-9) L’amour passionné de Dieu pour son peuple - pour l’homme - est en même temps ,si grand qu’il retourne Dieu contre lui-même, son Amour contre sa justice. Le chrétien voit déjà poindre là, de manière voilée le mystère de la Croix. Dieu aime tellement l’homme que, en se faisant homme lui-même, il le suit jusqu’à la mort et il réconcilie de cette manière justice et amour… »