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Commentaires

Posté par Roselyne

lun 21/08/2023 - 14:34

Permalien

Bonjour, Michel,
Vous posez une belle et immense question, sur laquelle chaque croyant devrait longuement réfléchir : les humains n’ont-ils pas « inventé » Dieu ? un Dieu qui les soutienne et les console…
Et elle est tous sauf facile. Je vous confie quelques réflexions, très insuffisantes, j’en conviens.


Ma première réaction sera de dire : qu’entend-on par « inventer » ?
Car le verbe a plusieurs sens, et des représentations différentes l’accompagnent.
Inventer peut signifier « créer de toutes pièces » : en gros les inventions du concours Lépine ! Mais si on y réfléchit sérieusement, il n’y a pas d’invention, même technique, même scientifique, qui soit faite à partir de rien. Il y a toujours des recherches précédentes, des trouvailles qui se combinent, des réalités qui convergent et poussent à aller plus loin.
Inventer peut signifier aussi « imaginer » : se représenter avec des images, et évidemment on peut alors penser aux fantasmes et aux fantasmagories les plus folles.  Toutes les mythologies reflètent ce type d’invention-imagination. Ce n’est jamais d’ailleurs à partir de rien, elles s’influencent, se complètent ou se combattent, elles sont des tentatives plus ou moins réussies de donner forme aux divinités que l’on souhaite (ou qu’on craint).

Du coup, un sens plus large et plus profond d’ inventer apparaît, qui est bien de « découvrir et de déployer ce qui était là de façon latente, inchoative, en germe ». Découvrir ce dont on ne se doutait même pas et qui pourtant d’une façon ou d’une autre nous précédait.
Et c’est en ce sens qu’on peut dire que les humains ont « inventé », ou plus exactement d’abord « nommé » Dieu. Ils ont cherché à expliciter ce qui était au fondement de leur être, ce qui les poussait vers la vie, à la fois la source et la visée de leur existence, ce vers quoi ils se sentaient appelés. Et ils n’ont pas manqué d’imaginer à mesure ce qu’ils peinaient à découvrir.
On comprend alors cette « découverte » ou « invention » des dieux de la nature, de la nature divinisée, à la fois terrifiante et protectrice. On comprend que des fantasmes divers (père juste et qui punit, mère consolatrice, ou marâtre, etc .) aient alors pris corps.

L’intérêt de la Bible, c’est qu’elle ne rejette absolument pas ces « inventions », mais une intuition plus fondamentale, plus fulgurante, pousse certains à aller plus loin, à critiquer sans cesse ce qui dans ces « dieux » est trop « à l’image et à la ressemblance » de l’être humain. Sans cesse ils sont sur leur garde  : l’humain fait dieu à son image, mais cela révèle en lui une faille profonde, un désir toujours plus grand, et c’est ce désir qu’il faut creuser. Dès lors ils sont sur la trace d’un Dieu qui ne soit pas à l’image de l’humain, mais plutôt qui a fait l’humain « à son image et sa ressemblance ».

Inventer Dieu, c’est comprendre intuitivement qu’il y a bien un Dieu mais qu’il est toujours plus grand, toujours autre, que ce que nous pouvons en « imaginer » ou en « construire de toutes pièces ». Nous pouvons « dire Dieu » (Rimbaud), mais nous savons que ce sera toujours insuffisant, et que ce qu’il faut plutôt tenter de découvrir (d’inventer ?), c’est ce que Dieu nous dit.
C’est toute la démarche de la tradition d’Israël qui se reflète dans le travail et l’écriture biblique, jusqu’à culminer dans cette « découverte » ou « invention » inouïe des disciples de Jésus de Nazareth… cet homme-là n’est-il pas la parole ultime qui nous dit Dieu ? Pour autant que nous nous mettions à son écoute et à sa suite….