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Chers amis,


A priori, je vous propose de travailler de la façon suivante :

I-Chacun lit d’abord pour lui-même le texte de Genèse considéré. Pour le premier mois, ce sera Genèse 1, 2 à 2, 4.
Vous pouvez lire d’emblée la traduction précise que donne André Wénin, p. 17 à 19, attentive à la polysémie fréquentes des mots hébreux et au caractère concret des images.
Ne lisez pas (encore) la suite de son analyse !

Un texte que nous avons l’impression de connaître par cœur, et dont la proclamation lors de la veillée pascale est souvent particulièrement soignée.
Et pourtant… Essayez de le lire en oubliant tout ce que vous savez. Laissez-vous porter par les reprises et les refrains. Et puis interrogez-vous !
Voici quelques exemples de questions à se poser, entre autres :

Que signifie le verbe « créer » au verset 1 ? Quelle est son champ d’action ? En quoi consiste-t-il dans les versets 3, 4, 6 et 7, 18 ?
Pourquoi les astres n’apparaissent-ils qu’au v. 14 (4ème jour) ?
Repérez les différents refrains.
A quoi correspond la répartition en jours ?
A quels moments Dieu s’émerveille-t-il (« Et Dieu vit que cela était bon/bien/beau ») ?
Qui Dieu bénit-il ?
Que signifie « à notre image, selon notre ressemblance » (v. 26. 27) ?
Comment comprenez-vous « soumettez la terre et maîtrisez… «  (v. 28 ; voir aussi v. 29) ?
Quand Dieu s’arrête-t-il de créer ?
Notez toutes vos remarques et questions.


 

II- Puis, plongez-vous dans la lecture du chapitre 1 d’A. Wénin, p. 19 à 48
Et au fur et à mesure, comparez vos interrogations et ses propositions de lecture, notez vos accords et vos perplexités que vous partagerez en réunion de groupe.

1-Premier regard : un texte ordonné
Ne vous laissez pas décourager par la lecture un peu touffue de ce premier ensemble qui s’efforce de mettre en tableau et en correspondances les différents jours.

Avec un parallélisme des jours (3/3, immobilité vs mobilité) aussitôt remis en question par la place particulière qui est celle du quatrième jour.
Une seconde organisation repose sur la succession des prises de parole divines : dire, s’émerveiller (« voir que c’est bon »), bénir, ordonner.
Deux questions :
Faut-il les rapprocher des dix paroles du Décalogue, lois données au Sinaï (p. 26) ?
A. Wénin tient-il suffisamment compte du caractère « originel » et inconditionnel de la bénédiction de Dieu sur le monde et l’humanité ?

2- Deux personnages : Elohîm, et ha ‘adam
Elohîm
Une étude menée sur le texte hébreu permet de dégager la difficulté et la polyvalence du verset 1 :
La création est-elle une action d’ensemble, donnée une fois pour toutes, que le verset titre résume ?
Ou est-elle l’objet d’un récit qui s’ancre dans le passé (« Quand Elohîm commença… »), ce qui en fait une action inchoative et évolutive ?

Le lien entre le souffle et la parole est alors interrogé (p. 30).

J’ajouterai ici deux remarques à ce que dit A. Wénin, notamment p. 31.
1-Dès le 18ème s. les biblistes avaient remarqué la diversité des noms permettant de désigner Dieu. Dans ce chapitre 1, seul apparaît le nom générique d’Elohîm, « dieux » ou « dieu » ; tandis que le nom propre YHWH n’apparaîtra qu’au chapitre 2, dans l’expression YHWH Elohîm, lue Adonaï Elohîm, « le Seigneur Dieu ».
Le Dieu d’Israël est au cours de l’histoire la plus ancienne du peuple, un Dieu issu de la rencontre et de la fusion du grand Dieu El du panthéon mésopotamien, le Dieu du ciel, et du Dieu propre aux tribus d’Israël, YHWH, Dieu guerrier et de l’orage, venu du Sud de la région. Les caractéristiques des deux entités ont fusionné dans la compréhension du Dieu unique.
Au moment de l’exil, ce Dieu compris comme le Seigneur un, YHWH, est aussi considéré comme le Dieu créateur, El ou Elohîm. De façon extrêmement intéressante, A. Wénin montre que, dans cette ouverture du livre et du monde, le Dieu unique créateur Elohîm est aussi celui qui dit : « que cela soit » (YHI)… et le verbe employé est proche du nom de Dieu YHWH, un nom qui devient puissance de vie et d’être.

2-Par ailleurs dans les mythes babyloniens d’allure grandiose, la création du monde (conçu comme le fait l’auteur biblique, un disque plat flottant sur les eaux, protégé des eaux d’en haut par la coupole du ciel) est racontée comme le combat violent et décisif de Mardouk, Dieu du ciel, contre Tiamat, force de la mer et du chaos :

Lorsque Mardouk eut tué Tiamat, il mit le pied sur la base de Tiamat, et de sa masse inexorable fracassa le crâne...
Calmé, il examine son cadavre, il veut diviser le monstre et faire quelque chose d’ingénieux : il le fendit en deux comme un poisson au séchage, en disposa une moitié comme ciel en forme de plafond  ; il tendit la peau, installa des gardes, leur donna pour mission de ne pas laisser sortir ses eaux.... ( Enuma Elish 10ème s. av. J.C.).

C’est ce fond de récits mythiques qui permet de mesurer le puissant travail de décantation « théologique » (représentation de Dieu) opéré par l’auteur de Genèse 1. Les éléments de la nature sont désacralisés, et l’auteur déploie une théologie inouïe de la création : un Dieu séparé du monde, qui crée par son souffle et sa parole, en séparant et ordonnant le chaos… et en se retirant.
Nous sommes souvent, nous-mêmes, très en recul sur les représentations de Dieu que nous véhiculons plus ou moins consciemment.
Le travail de décantation est toujours à reprendre… et A. Wénin nous y conduit et nous y invite.

Vous découvrirez dans ces pages les caractéristiques frappantes de ce Dieu (p. 29 à 36), à rebours des représentations traditionnelles de force et de toute puissance.

Toute puissance ?
Elle se déploie dans trois directions :
-ordonnancement par la parole des forces du chaos
-don de la vie foisonnante à profusion
-recul et émerveillement
-arrêt, repos et retrait (qui font partie de la « création ») : 7ème jour.


 

Ha ‘adam
v. 26 Multiples interprétations du pluriel « faisons l’humain »…
Traditionnellement, on y voit la trace d’un polythéisme latent que l’on repère souvent dans la Bible (Dieu et sa cour céleste), la pluriel de majesté, n’existant pas en hébreu.
La proposition de A. Wénin est en cohérence avec ses remarques sur le caractère inachevé de la « fabrication » de l’humain, invité à « participer » à la création,… à sa propre création ?

« Image et ressemblance » : les Pères de l’Eglise grecque ont vu dans le chemin à parcourir de l’image à la ressemblance la vocation de l’humanité en marche vers la divinisation.

« Mâle et femelle » : la part que l’humain partage avec les animaux.
A. Wénin y voit l’appel à une maîtrise de l’animalité intérieure.

Je ne m’étends pas sur les dernières pages du chapitre qui sont les plus suggestives. Elles reprennent et déploient de façon remarquable les propositions de lecture de Paul Beauchamp :

Un Dieu qui se retire (et dont le retrait fait partie de la création)
Un Dieu qui confie la création aux êtres humains
Une vocation des humains à gouverner le monde par la parole et la douceur
Un travail des humains pour maîtriser leur propre violence…

J’ajouterais volontiers : une bénédiction originelle, et une beauté/bonté du monde à célébrer !

Je vous laisse les travailler, partager et j’attends vos questions sur le forum

Avec tous mes vœux à chacun de vous pour la nouvelle année,
Roselyne

 

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