Y a-t-il quelque chose qu’on ne perde pas ?
Nous avons eu la joie et la peine d’accompagner Marie jusqu’au bout, jusqu’aux portes du paradis.
Durant tout ce cheminement, on ne peut qu’être frappé par l’expérience du dépouillement, de la désappropriation :
Avec la retraite et l’âge avançant, il y a les problèmes de santé, les deuils : on quitte, on renonce, on se sépare.
La désappropriation est très concrète :
Marie a eu une hémiplégie qui a handicapé son écriture, mais elle s’est remise à faire des petits bâtons comme à l’école, pour réapprendre à maîtriser l’écriture ; elle a fait des exercices infinis pour que la marche soit possible. Elle ne s’est pas avouée vaincue par le sort !
Mais il y a eu les yeux atteints par la macula, et les difficultés d’ouïe,
Et vient le temps où on quitte sa maison, ses meubles, ses paysages, ses albums de photos. On renonce à l’autonomie financière, à l’organisation de son temps. Et il y a la perte de la mémoire ! la mémoire immédiate qui flanche (pas l’ancienne qui était si forte).
On ne dépend plus que de la disponibilité des autres, de leur devoir professionnel et de leur bon cœur ! Alors quand on perd tout, qu’est-ce qui nous reste ? La vie n’est-elle qu’un chemin qui consiste à naître nu et à repartir dépouillé de tout ?
Y a-t-il quelque chose qu’on ne perde pas ?
On découvre alors avec clarté qu’une chose ne disparaît pas : c’est la capacité d’aimer, et qui même grandit, et qui devient la communication essentielle.
Souvenons-nous : « Son cœur a cessé de battre. Mais il n’a point cessé d’aimer. »
Y a-t-il quelque chose qu’on ne perde pas ?
Gabriel Ringlet