Aller au contenu principal

Les catastrophes naturelles

Maurice Zundel

Les catastrophes naturelles sont encore exploitées comme des châtiments de Dieu qui s’abattent sur l’homme pécheur ; et le pécheur est si corrompu qu’au regard de Dieu, il mérite la destruction, sauf le tout petit noyau des justes, qui assurera la survivance du genre humain, et tous les animaux qui sont nécessaires à la subsistance de l’homme. Au contraire, le récit de l’Évangile nous introduit dans le mystère de Jésus-Christ, dans le mystère de cette tentation qui préfigure déjà la passion de notre Seigneur. Dieu est engagé dans notre destinée Dans le développement des tentations, telles qu’elles sont présentées dans l’Évangile de saint Matthieu et de saint Luc, nous y voyons que notre Seigneur est mis en face d’une voie facile, la voie du miracle qui écartera toute embûche de son chemin, qui le préservera de toute souffrance et qui fera éclater comme une manifestation de la puissance de Dieu, sa qualité de Fils de Dieu. Notre Seigneur repousse ces tentations et il s’engage par-là même dans la voie de la passion. Car il y a dans la tentation comme une bifurcation pour notre Seigneur: il est au début de sa vie publique et il doit s’engager selon sa vocation et selon sa mission qui est de choisir la vie difficile qui aboutira à l’agonie, à la mort, en un mot, à un échec. Et il n’y a aucun doute que ces tentations représentent dans l’âme de notre Seigneur, dans sa sensibilité, une prédication, une préméditation de son agonie, cet effroyable combat corps à corps avec la mort, cette obscurité des ténèbres, cet horizon sans espérance, ce cri final: «Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?» Tout cela est déjà contenu en germe dans la tentation. Notre Seigneur, en choisissant cette voie, sait à quoi il s’expose. Il sait les conséquences de ce choix terrifiant. Il sait qu’il va revêtir toute la culpabilité humaine, qu’il doit faire contre-poids, par le prix de sa vie, à tous les refus d’amour à travers toute l’histoire. Et c’est là, justement, qu’éclate le contraste entre le récit du déluge et la vocation de notre Seigneur. L’auteur de la Genèse envisage Dieu, évidemment, comme étant hors-jeu. Dieu est dans son bonheur immuable, et l’humanité lui est soumise d’une manière inconditionnelle : elle ne peut que s’assujettir à ses lois, sous peine des jugements les plus terrifiants. Et, de fait, quand l’humanité transgresse, elle est punie, et sa transgression ayant atteint son sommet et son comble, le déluge va éclater et ravager toute la terre, selon les perspectives, tout au moins, des auteurs de la Genèse et au seuil de la vie publique de notre Seigneur, nous voyons, au contraire, que Dieu est engagé dans notre destinée, engagé dans notre vie, engagé dans l’histoire du monde jusqu’à la mort de la croix, car le bien n’est plus d’accomplir un commandement et de se soumettre à une loi, le bien c’est d’aimer Quelqu’un qui est l’amour, Quelqu’un qui ne cesse de s’offrir sans s’imposer jamais, Quelqu’un qui, intérieur à nous même, ne cesse de nous attendre. Et le seul mal, symétriquement, ce n’est pas seulement la désobéissance à un commandement, extérieur à nous-même, le mal c’est une blessure faite à Quelqu’un, c’est une blessure d’amour faite à l’Amour et une blessure qui aboutira finalement à la mort de Dieu.