Denis Mukwege, La force des femmes
Éditions Gallimard – octobre 2021 – 400 pages – 20€
S’il est un livre remarquable et fort, c’est bien celui du docteur Denis Mukwege, gynécologue et chirurgien, congolais. Car paradoxalement c’est au milieu de l’horreur que nous retrouvons la force, l’espoir, le courage et la bonté. Une vraie vie de chrétien dans laquelle les actes parlent aussi bien ou mieux que les discours.
Dans ce livre écrit à la première personne, le docteur Mukwege revient sur sa vocation, sa formation et ce qui l’a conduit à prendre le parti des femmes violentées dans son pays. En effet, l’auteur contextualise la manière dont non seulement les différentes crises politiques internes au Congo, mais également les instabilités et les guerres chez les voisins comme le Rwanda, favorisent et entretiennent des conflits entre différentes factions dans toutes les provinces de l’est congolais. Ces milices attaquent régulièrement les villages et s’en prennent notamment aux femmes. Le docteur Mukwege – « l’homme qui répare les femmes » – a reçu le prix Nobel de la Paix en 2018 pour son action de chirurgien, qui soigne les femmes victimes de viols comme arme de guerre, mais aussi pour son engagement international dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Ce travail militant lui a valu des menaces de mort, son travail étant considéré dans son propre pays comme une forme de dissidence politique.
Mais au-delà de son propre vécu c’est surtout les voix de toutes les femmes qu’il a opérées, aidées, mais aussi celles qui l’ont inspiré, soutenu, que l’on entend dans ces pages. Certains passages peuvent être rudes, racontant sans filtre la barbarie, les exactions commises sur plusieurs d’entre elles. Il en ressort néanmoins un immense sentiment de courage et de résilience.
Au-delà de la situation particulière de la République démocratique du Congo, c’est un livre qui nous interroge tous, où que nous habitions sur cette terre, sur notre indifférence face aux guerres, notre indifférence face aux exactions, nos silences et nos incapacités à lutter efficacement contre les violences et notamment celles faites aux femmes.
Le docteur Denis Mukwege engage donc les hommes, et pas seulement congolais, à s’interroger sur les dynamiques de genre systémiques dans les sociétés et à proposer des actions visant à réduire la violence sexuelle et sexiste. C’est ce qu’il appelle « la masculinité positive », à savoir aider les hommes à comprendre la pression que le patriarcat exerce sur leurs épaules, ses conséquences – la violence qui s’exerce sur les femmes – et donc à trouver leurs nouveaux rôles.
Et c’est en cela que l’ouvrage de Denis Mukwege est puissant : au-delà du témoignage d’une vie chrétienne consacrée à une cause, de l’extraordinaire résilience, profondément inspirante, de ces femmes, il permet au lecteur de dépasser le contexte particulier de la violence sexuelle envers les femmes au Congo pour apporter une dimension plus universelle en questionnant la violence patriarcale dans nos communautés.
Estelle Roure, au nom du Comité de lecture