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Parution

Adrien Candiard – Sur la montagne L’aspérité et la grâce
Éditions du Cerf – Octobre 2023 – 140 pages – 12 €

Le jeune dominicain, prieur du couvent du Caire, est un passionné de l’Écriture qu’il commente avec les mots et la sensibilité contemporaine. L’auteur ouvre ce petit ouvrage avec l’épisode du jeune homme riche : il vient vers Jésus assoiffé de « vie éternelle », et il repartira triste car tout quitter pour suivre Jésus lui sembla trop difficile. À partir de là Candiard pose la question de la contradiction permanente entre la gratuité de la grâce du salut et la radicalité extrême de ce que demande Jésus. Si Dieu nous aime inconditionnellement, pourquoi nous demande-t-il des efforts si difficiles ?

Une évocation du débat entre Pélage et Augustin donne raison à ce dernier : la « sainteté » n’est pas à notre portée humaine sans la grâce de Dieu qui nous sauve. Candiard va s’appuyer sur le Sermon sur la Montagne. C’est là que Jésus dévoile à ses disciples une Loi nouvelle. Cette Loi nouvelle fonctionne différemment de celle de Moïse qui agit par prescriptions. Celle de Jésus indique une direction à suivre qui est d’ailleurs bien plus exigeante. Le « juste » n’est pas alors celui qui fait tout bien, le juste selon l’Évangile est celui qui marche en suivant Jésus. Telle la boussole, elle indique une direction, mais c’est à la conscience de chacun de décider de la marche à suivre.   

Les Béatitudes sont aussi pleines de contradictions. Pour les comprendre, il faut déplacer son regard : le Royaume de Dieu n’est ni politique ni social comme certains disciples l’espéraient… il ne se révèle que sur la croix. Toujours à propos de cette contradiction, l’auteur cite la parabole des invités à la noce : pourquoi donc celui qui n’a pas revêtu la tenue de noces est-il jeté dehors ? Son tort, c’est d’avoir refusé ce vêtement qui lui était offert à l’entrée, « de n’avoir pas laissé le maître prendre soin de lui ». S’ouvrir à Dieu, tout est là, et ils sont bienheureux ceux qui sont « assez affligés pour désirer la consolation », tout comme ceux qui se laissent « recouvrir du vêtement de noces », se laissent aimer et accueillent « le Royaume qui nous est donné ».

L’auteur reprend encore l’éternelle contradiction avec les paraboles dans lesquelles Jésus pardonne aux pécheurs alors que, par ailleurs, il peut menacer les mauvais de la géhenne. Ici, Adrien Candiard se fait psychologue : on sait que les petits compromis peuvent conduire, de fil en aiguille, à laisser le mal s’installer. Puisque la perfection n’est pas humaine, que peut signifier « Soyez parfaits comme votre père céleste est parfait » ? Réponse : il suffit de comprendre que la perfection de Dieu est celle de son amour et de sa miséricorde. La perfection c’est donc « adopter sur le monde le regard d’amour de Dieu » et « puiser dans cet amour » qu’il nous donne.

Finalement, « il s’agit pour nous de devenir par adoption ce que le Christ est par nature ». C’est là le cœur du Sermon sur la montagne : nous transformer en fils de Dieu.

En déplaçant sans cesse le regard du lecteur, Adrien Candiard l’introduit dans la douceur et la saveur de la radicalité de l’Évangile.

 

Monique Hébrard, au nom du comité de lecture

Sur la montagne