Herbert Mc Cabe – Révolution sociale et amour chrétien
Préface de Timothy Radcliffe, introduction et traduction par Benoît Gautier
Le Cerf – mai 2023 – 225 pages – 22€
Cet ouvrage récemment publié par les Éditions du Cerf rassemble, après traduction, des textes écrits en anglais il y a plus de vingt ans par un dominicain d’origine irlandaise. Il reste tout à fait pertinent aujourd’hui. Herbert Mc Cabe se présente comme étant simultanément marxiste et chrétien. Lorsque Madame Thatcher était Prime Minister, la société capitaliste britannique prêtait le flanc à l’analyse proposée par le marxisme. En quelques pages que n’aurait sans doute pas reniées Marx lui-même, l’auteur met en évidence la dénaturation de l’homme contraint à la lutte des classes. Pour Herbert Mc Cabe, le chrétien a le devoir de s’y impliquer. Il n’a pas d’autre choix s’il désire sincèrement l’avènement d’une autre société, fondée cette fois sur l’amour du prochain. Ce qui est vrai pour chaque chrétien est vrai pour le prêtre. Celui-ci n’est pas d’abord l’homme du sacerdoce et des rites catholiques, mais l’homme qui annonce la bonne nouvelle : il devra s’impliquer lui-même dans ce combat révolutionnaire où la violence peut parfois être légitime.
Notre auteur a le souci d’éclairer ce qu’est pour lui la foi catholique. Il nous met en garde : le Christ ne peut pas être récupéré par la politique. Il prend là ses distances avec la théologie de la libération et rappelle qu’il est marxiste et chrétien et non pas marxiste parce que chrétien. Sa foi est clairement bâtie autour d’une personne : Jésus-Christ. C’est bien de Lui que procède la doctrine sociale de l’Église, elle-même perçue comme fondement d’une alternative à la société capitaliste. Le cœur de la bonne nouvelle, c’est l’annonce du salut ; le Christ nous rappelle ce qui bâtit l’homme : l’amour qui est au cœur de sa relation avec le Père doit l’être aussi dans les relations entre les hommes – une vérité « rabâchée » dans l’évangile de Jean mais aussi dans les écrits de Thomas d’Aquin. En ce sens, l’Église, les prêtres, les chrétiens sont ou devraient être en opposition au monde.
Dans une première partie, l’auteur concentre son attention sur la « révolution sociale » avec la lutte des classes, le Christ et la politique, le péché originel et ses conséquences. Dans une seconde partie l’excellent prêcheur que fut Herbert Mc Cabe entraîne les lecteurs dans trois méditations originales sur les trois journées de la Passion, jeudi saint, vendredi saint et veillée pascale. Chacune de ces journées d’épreuves est vécue avec le Christ mais réinscrite dans le monde d’aujourd’hui.
Une pensée riche et stimulante parfois desservie par une écriture un peu difficile.
En lisant cet ouvrage, on comprend l’influence qu’a pu avoir ce théologien réfractaire sur des figures majeures parmi les dominicains, en particulier Timothy Radcliffe. Ce dernier s’en explique dans la préface du livre. L’introduction a été rédigée par Benoit Gautier et contribue à aiguiser l’appétit du lecteur.
Michel Vidal, au nom du comité de lecture