Sylviane Guillaumont Jeanneney – Les femmes au secours de l’Église
Préface de Anne-Marie Pelletier
Éditions Jésuites – août 2023 – 162 pages – 12 €
La première partie du synode s’est achevée à la fin du mois d’octobre. La question de la place des femmes dans l’Église, question brûlante, est ressortie des consultations qui ont précédé, pas seulement sur le continent européen. C’est à son sujet, également, que les désaccords ont été les plus vifs. Le livre de Sylviane Guillaumont Jeanneney arrive à point nommé pour brosser une sorte de panorama de la question, envisagée sous différents angles d’étude.
L’auteure commence par aborder les Écritures, et notamment les Évangiles, qui montrent la liberté de Jésus dans ses relations avec les femmes qui croisent son chemin, la Samaritaine, la Cananéenne, Marie-Madeleine… Les premières épîtres pauliniennes établissent aussi une égalité fondamentale entre les hommes et les femmes devant Dieu (Ga 3, 27-29). C’est seulement par la suite, dès les épîtres plus tardives, que la société patriarcale du monde méditerranéen a réaffirmé son ordre.
Dans les chapitres suivants, l’auteure aborde la question du sacerdoce. Une approche historique montre le lien entre célibat et sacerdoce, qui s’impose progressivement jusqu’à devenir la norme au concile de Trente. La métaphore conjugale, telle qu’elle apparaît dans l’Ancien Testament avant d’être reprise dans le Nouveau pour caractériser la relation entre le Christ et l’Église, établit une hiérarchie prononcée entre le masculin et le féminin et une forte différenciation entre les fonctions selon le genre. L’image de la Vierge Marie, nouvelle Ève, influence la représentation du féminin et la « théologie de la femme ». Marie a une place éminente dans l’histoire du Salut, mais le ministère ordonné est strictement du côté du masculin, ce que les derniers papes ont rappelé avec insistance. Or, selon l’auteure, les changements radicaux de la société justifieraient une évolution vers l’ordination des femmes, à l’image des responsabilités qu’elles occupent dans la société civile. Sinon, on risque bien d’en venir à une exculturation de l’Église, pour reprendre le terme forgé par la sociologue Danièle Hervieu-Léger. Par ailleurs, le rapport Sauvé a montré les liens qui existent entre un pouvoir sacralisé et le risque d’emprise pouvant aller jusqu’à des abus sexuels. La présence de femmes plus nombreuses à des postes de responsabilité dans l’Église entraînerait un changement de paradigme.
Les lecteurs qui ont lu les ouvrages parus ces dernières décennies sur la situation des femmes dans l’Église ne découvriront rien de nouveau. Mais l’auteure cite ses sources et renvoie aux livres importants dans des notes de bas de page fort précises. Et, sans passion ni jugement, elle expose les positions de ceux qui défendent avec vigueur la tradition et l’ordre hiérarchique existant.
Anne-Marie Pelletier signe la préface. Ceux qui ont lu ses livres savent qu’elle n’est pas favorable au sacerdoce pour les femmes, tout en souhaitant pour elles une place plus importante et une visibilité plus grande. La solution, pour elle, est un approfondissement de la théologie du sacerdoce commun des baptisés et une meilleure articulation avec le sacerdoce ministériel. Elle se démarque ici de la position de l’auteure. Mais le mérite de l’ouvrage est de permettre le débat, argumenté et respectueux, entre des positions divergentes. À l’heure des jugements péremptoires et des anathèmes, c’est une de ses grandes qualités.
Sylvie de Chalus, au nom du comité de lecture