Coup de cœur du mois de mars 2022
Damien Le Guay, Quand l’euthanasie sera là
Éditions du Cerf – janvier 2022 – 216 pages – 18€
Erwan Le Morhedec, Fin de vie en République
Éditions Salvator – janvier 2022 – 147 pages – 13,80€
Ce mois-ci, nous retenons un duo de livres qui traitent de l’euthanasie. Il est probable qu’une consultation citoyenne contribue à faire passer une loi autorisant un tiers à donner la mort à toute personne « en phase avancée ou terminale […] d’une situation d’affection accidentelle ou pathologique […] lui infligeant une souffrance physique ou psychique qu’elle juge insupportable ». (1) Deux auteurs alertent sur les conséquences graves et irréversibles d’une telle loi.
Le philosophe Damien Le Guay rappelle qu’en matière de lois bioéthiques le mécanisme de dépénalisation, structurellement, glisse vers un « droit à », ici un droit à l’euthanasie, qui devient inaliénable. Une pression finira par s’exercer sur toute personne en fin de vie. Avec Didier Sicard, ancien président du CCNE (Comité consultatif national d’éthique), il n’exclut pas cependant d’aménager la loi Claeys-Leonetti pour permettre une « exception d’euthanasie », à l’écoute de ceux qui, enfermés dans une douleur inhumaine, souhaiteraient exercer une liberté mûrement réfléchie. Mais il refuse catégoriquement d’ériger dans la loi un « droit à l’euthanasie », car il s’agirait d’une véritable rupture anthropologique. Le livre se termine par un « vademecum » en 10 points, reprenant et contrant les arguments courants en faveur de l’euthanasie.
Erwan Le Morhedec, avocat, fait le procès du droit à l’euthanasie, articulant son réquisitoire en trois chapitres, liberté, égalité, fraternité, pour montrer que l’euthanasie n’honore aucun de ces termes, bien au contraire. La partie sur la liberté, longuement développée, avance qu’une directive anticipée, prise lorsqu’une personne est bien portante, doit nécessairement être revue une fois que la personne est proche de la mort. Il pointe, comme Damien Le Guay, la pression (économique ou sociétale) implicite qui pèsera sur des patients en fin de vie, occupant un lit d’hôpital sans espoir de revenir chez eux. Certes, les personnes désirant mettre un terme à leurs souffrances auront alors le droit de bénéficier d’une aide active à mourir, mais ce mouvement entraînera, par appel d’air, un cortège de patients faibles, qui s’engageront vers la porte de sortie, fatigués de représenter un poids pour leurs proches ou pour la société, alors qu’ils se trouvent dans une situation de vulnérabilité extrême. L’auteur alerte sur la perversion du rapport entre soigné et soignant, lorsque le soignant aura pour mission de proposer, parmi les options, non pas le soin visant à soulager les souffrances mais la mort, qui ne saurait être confondue avec un soin. Il montre la rupture du lien fondamental de confiance et de fraternité, non seulement dans les lieux de soin, mais au cœur même des familles et de la société.
Les deux auteurs insistent sur la grande valeur humaine de ce qui est vécu dans les unités de soins palliatifs, et montrent que la légalisation de l’euthanasie, bien que ses partisans s’en défendent, entraînera nécessairement un affaiblissement de ces lieux d’accompagnement à la fin de vie. Deux lectures importantes en amont d’un débat appelé à revenir dans les prochains mois.
Marie-Blandine Ferrer, au nom du comité de lecture
- Chapitre 1, article 1 alinéa 3 de la proposition de loi Falorni, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3755_proposition-loi