Quand le diable a revêtu l’habit
Récits de victimes de violences sexuelles dans l’Église catholique
Sous la direction de Michele Faÿ, critique littéraire, et Claire Horeau, magistrat honoraire.
Postface d’Antoine Garapon, Président de la CRR
Éditions Karthala – mai 2024 – 240 p. – 20€
Après la réparation financière, puis le geste symbolique qui prend souvent la forme d’une cérémonie mémorielle, la CRR* (Commission Reconnaissance et Réparation) propose aux victimes qui le souhaitent d’être accompagnées individuellement pour écrire le récit de ce qui leur est arrivé.
Sans aucune prétention « thérapeutiques », dans une perspective de revalorisation de soi, l’écriture a été un cadre soutenant pour sortir de leur empêchement à être. Ce livre est un recueil de 11 témoignages ; les noms ont été anonymisés pour protéger les personnes.
Si autrefois il était impossible de parler, aujourd’hui il n’est plus possible de se taire. Écrire pour transformer les violences subies, redevenir acteur de sa vie. Belle et courageuse entreprise qui appelle le lecteur à ressentir avec les témoins l’effroi, la douleur, le désespoir, la désolation des faits relatés et établir avec eux une alliance aussi profonde que mystérieuse contre le mal.
Ces récits de victimes de violences sexuelles infligées par des religieux de l’Église catholique le disent avec force et douleur, chacun à sa façon : moi aussi... Il faut les lire, se préparer au choc, être accueillant à ces itinéraires de souffrances protéiformes qui ont pris le visage de la violence, de la manipulation, de l’emprise, de la sidération traumatique marquées chaque fois de la collusion du sexuel et du sacré.
Ces récits pourront apparaître violents ou scandaleux, leur narration des faits trop détaillée ou insuffisamment qualifiée. Le lecteur devra comprendre qu’ils sont à la hauteur des violences subies par les victimes. Les blessures subsistent, les corps, les esprits, les vies sociales sont marqués à jamais. Les séquelles des traumatismes restent profondes et vivaces des décennies après les faits.
Après ces expériences terribles, la confiance des victimes dans l’Institution est totalement perdue, le sentiment de trahison immense. Rares sont celles qui souhaitent « retrouver le chemin de l’Église ». Mais leur vie spirituelle s’est maintenue, et leur foi, elle, a rarement été atteinte.
Comme la toge, la blouse, la robe ou l’uniforme symbolisent d’autres pouvoirs, ces clercs pédocriminels portent l’habit de l’autorité morale et spirituelle censé rappeler l’importance de leur charge et de leur responsabilité. Pour les victimes, il n’évoque plus que souillure et dégout. Le diable a revêtu l’habit…
Espérons, avec Claire Horeau et Michèle Faÿ, que ces récits soient pour leurs auteurs un chemin de restauration qui leur permette « de gouter à la beauté de l’existence sans être entravé par les chaînes du passé » comme l’exprime un des témoins de ce recueil.
______________________________________
*Site de la CRR : https://www.reconnaissancereparation.org/