Daniel Marguerat – Paul de Tarse – L’enfant terrible du christianisme
Seuil – avril 2023 – 560 pages –25€
En 2019, le très bon livre de Daniel Marguerat, Vie et destin de Jésus de Nazareth, avait déjà passionné de nombreux membres et sympathisants de la CCBF. Ce nouvel ouvrage entièrement consacré à l’apôtre Paul est également remarquable. Chaque lecteur y fera de nombreuses découvertes et terminera admiratif de la pédagogie tranquille de l’auteur, officiellement historien mais aussi exégète et théologien.
Que retenir de ce monument de 450 pages auxquelles s’ajoutent 25 pages de références et près de 100 pages de notes complémentaires, également intéressantes ?
Tout d’abord, l’auteur s’attache à situer et autant que possible dater chacune des lettres adressées à une communauté spécifique, rencontrée lors de l’un des trois voyages effectués par l’Apôtre. Ces voyages nous sont bien connus grâce à Luc, longtemps compagnon de Paul et auteur des Actes des Apôtres. Depuis des siècles, la liturgie catholique nous propose des extraits des fameuses épitres en les isolant de leur contexte. Au contraire, l’historien insiste pour situer chaque document écrit par l’expéditeur et lu par ses destinataires dans des lieux et à des moments bien définis. Certains des propos de Paul sont clairement dictés par les circonstances : ils sont bien identifiés comme tels et simplement destinés à réconforter ou à éclairer telle ou telle communauté dans des situations bien particulières.
Daniel Marguerat consacre cinq chapitres à analyser une par une les cinq lettres écrites (ou dictées) par Paul lui-même. Il les distingue bien de toutes les autres qui furent écrites, après la mort de Paul, par ses premiers compagnons puis plus tard par des commentateurs inspirés par son enseignement jusqu’à Saint Irénée.
Une question essentielle, abordées à plusieurs reprises dans le livre, concerne la querelle historique entre d’une part l’église de Jérusalem sous l’autorité de l’apôtre Jacques, et d’autre part Paul apôtre des « gentils ». Le premier est convaincu que le respect des commandements de la loi juive est nécessaire pour quiconque veut s’attacher au Christ. Le second défend âprement la conviction que seule la foi en Jésus de Nazareth ressuscité est nécessaire pour être sauvé. Cette « querelle » fut l’objet principal de la Réforme luthérienne. Même atténuée, elle subsiste de nos jours, entre les catholiques moralistes et les réformés attachés d’abord au salut par la Foi en Christ, au sein d’églises sans prêtres ni pénitence.
La dernière partie de l’ouvrage pourrait être lue et étudiée séparément. Elle propose avec une remarquable pédagogie un examen des principaux enjeux de la Foi selon Paul mais aussi selon Daniel Marguerat car ce dernier n’hésite pas à exprimer clairement son avis personnel sur plusieurs points qui furent longtemps et sont encore l’objet de controverses entre théologiens.
Daniel Gufflet, au nom du Comité de lecture.