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Parution

Claude Plettner – Lettres à Thérèse d'Avila
Spiritualité LeXio, les éditions du Cerf – janvier 2024 – 136 p. – 7 €

Étrange petit livre relatant la correspondance entre deux femmes – l’une est notre contemporaine, l’autre est née en 1515 en Espagne. On ne peut pas parler d’échange épistolaire, car seule notre contemporaine adresse des lettres à Thérèse d’Avila. L’auteure connaît tellement bien l'œuvre de Teresa, l’espagnole, qu’elle la tutoie en parlant de sa vie. « Je croise et recroise ton temps et le mien », dit-elle à son amie. Et Teresa se raconte, ou plus exactement l’auteure la raconte à la seconde personne.

Enfance heureuse jusqu’à la mort de sa mère lorsqu’elle avait 13 ans : « Tu en parles assez peu de cette mère fauchée en pleine jeunesse. » Mais cet événement conduira les choix de vie qui se profilent pour elle : la peste du couvent ou le choléra du mariage. Décisions prises parfois à l’aveuglette pour échapper à la vie toute tracée des jeunes filles de son époque. C’est ainsi qu’elle entre de son plein gré au Monastère de l’Incarnation, le 2 novembre 1535, à l’âge de 20 ans. « Tu viens donc d’entrer dans un ordre corrompu », comprend son amie. Ce choix est loin d’être anodin. Teresa tombe gravement malade. Cet état de santé déplorable – anorexie, paralysie, hystérie selon Freud – va durer quatre ans qu’elle doit passer loin du couvent.

En 1554, on peut parler de conversion pour Teresa. La vie commence à prendre un sens. C’est vers 1557 que surviennent ses premières extases : vision de l’enfer, par exemple, qui sera reprise par son futur ami, Ignace de Loyola, dans ses Exercices spirituels. Pour décrire un peu ce qu’elle ressent, elle parle de jubilation, de transport, d’élévation, de montée au-dessus d’elle, de ravissement.

Puis commence sa vie de réformatrice et de fondatrice. De 1562 jusqu’à sa mort en 1582, elle va fonder une quinzaine de monastères. C’est en 1567 qu’elle persuade le jeune Juan de Yepes Alvarez, plus connu sous le nom de Jean de la Croix, de l’accompagner dans ses entreprises. Tous deux mystiques, entourés de lumière à travers les ténèbres. Toujours sur les routes, en véritable femme d’affaire, elle va profondément rénover l’ordre des Carmes. Dans cette période de sa vie, mystique et action seront inséparables, baignées dans la prière, nourriture forte et nécessaire.

Si ce livre est tellement attachant, c’est parce que l'auteure a une belle écriture, simple et raffinée, et qu’elle tutoie une femme exceptionnelle, qui a tout pour séduire : intelligente, sensible, amicale… et féministe ! Elle intrigue également par ses extases dont l’auteure fait une excellente analyse psychanalytique. L’écrivain nous transporte si bien d’un monde à l'autre que nous nous sentons appartenir aux deux univers à la fois.

Mais ce qui touche surtout chez Teresa, c’est son intimité avec Dieu. Sa foi lui a appris, à son grand étonnement, qu’elle était « une demeure habitée ». Après la lecture de ces quelques pages, une grande envie nous vient de nous plonger dans l’œuvre de Teresa, pas seulement parce qu’elle est Docteure de l’Église, mais parce qu’elle est une femme remarquable qui nous parle aujourd’hui.

Lettres à Thérèse d'Avila