Aller au contenu principal
Parution

Guy Aurenche, Monique Hébrard, Jean Pierre Rosa, La sève du figuier – Trois chrétiens interrogent les signes des temps
Salvator octobre 2022 213 pages 19€

En ce début d’année, voici un livre « pour ces temps qui sont les derniers » : trois auteurs cherchent à discerner, dans les remous des dernières années, des signes du Royaume. Les problèmes qui nous submergent sont abordés avec lucidité et sérénité, à la lumière des Écritures.

Guy Aurenche, avocat, envisage les tensions entre interdépendance croissante des personnes et souci d’une autonomie plus grande des individus. Comment éviter la tentation du repli identitaire pour s’ouvrir au prochain ? Il évoque la question des migrants, l’anxiété devant les dérèglements climatiques, l’hyper connexion des individus évoluant dans un monde virtuel, au mépris de la réalité et de la fraternité vécue. Inspiré par le récit biblique d’un Dieu qui crée par amour, par les paraboles du Fils prodigue et du Bon Samaritain, l’auteur propose, à rebours du repli, la dynamique de la rencontre, et pour dépasser la logique finie du contrat, l’aventure de l’alliance. Il s’agit de choisir de s’approcher de celui en qui je reconnais un frère.

Monique Hébrard, journaliste, se confronte à la question du pouvoir créateur au risque de la toute-puissance. À l’ère de l’anthropocène, la puissance de l’homme sur la nature, les progrès de l’intelligence artificielle et les frontières repoussées de la médecine donnent le vertige. Refusant à la fois la pensée dominante qui confine parfois à l’idéologie et la nostalgie illusoire d’un temps où l’Église avait la mainmise sur la société (non sans dérives possibles), l’auteure fait l’éloge de la nuance dans l’expression des positions. Un détour par l’Écriture, dans le récit de la Création, permet de comprendre que l’homme est fondamentalement lié à tout ce qui vit et que la maîtrise de l’homme sur le vivant comporte une limite, le respect de la vie. Dans l’Évangile, Jésus propose de se départir de la toute-puissance. Et c’est l’ouverture à l’altérité qui est un antidote à la toute-puissance. Si les relations humaines sont ouvertes à la différence, elles peuvent conduire à la solidarité, à tous les niveaux. 

Jean Pierre Rosa, philosophe et bibliste, met en perspective les changements intervenus dans la famille, dans les relations entre les hommes et les femmes et dans le regard porté sur la sexualité. À relire la Bible, dans les récits de relations déviantes ou violentes, on découvre l’interdit de la dévoration de l’autre. Dans le Cantique des Cantiques, l’amour charnel est chanté et célébré. Sur la question de l’égalité, l’attitude de Jésus à l’égard des femmes se démarque des préjugés de son temps. Même saint Paul proclame l’égalité des hommes et des femmes dans leur relation au Christ. Ces textes sont des signes d’espérance. La famille « naturelle » peut ne plus être le seul modèle, mais une dynamique d’alliance reste à explorer. Elle fonde une autre vision de la famille, de la sexualité, permet de voir dans la libération des mœurs un mouvement vers une liberté à maîtriser en responsabilité. Nous sommes invités à sortir d’un essentialisme calqué sur la nature, pour entrer dans l’ouverture de la promesse.
 

Blandine Ferrer, au nom du comité de lecture

La sève du figuier