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Parution

François Euvé, La science, l’épreuve de Dieu ?
Salvator – mai 2022 – 186 pages – 18€

Le titre La Science, L’épreuve de Dieu ? est énigmatique. Il renvoie au livre de M.Y. Bolloré et O. Bonnassies, Dieu, La science, Les preuves. Il s’agit d’exposer l'état actuel des rapports entre religion, science et philosophie, en s'appuyant sur l'histoire de ces rapports en Occident, depuis les origines hébraïques et grecques.

L'introduction présente le contenu de l'ouvrage. Les théories physiques actuelles remettent en cause les certitudes antérieures des époques précédentes. La science aussi est insérée dans une histoire. Essayons d'y voir clair en trois étapes.

1) Prouver l’existence de Dieu ? Pour les anciens et jusqu'à l’époque de Galilée, le divin domine le monde. Avec la science « moderne », l'existence du divin ne va plus de soi : beaucoup de phénomènes reçoivent une explication, même si l'existence du mal pose question.

Dans la tradition chrétienne, la foi est du registre de la confiance, de la relation avec Dieu. Il existe des signes qui nécessitent une interprétation, laquelle engage la liberté de l'interprète (alors que la preuve s'impose d'elle-même). D'ailleurs la Bible se préoccupe moins des preuves de l'existence de Dieu que du rejet des idoles.

Les premiers penseurs chrétiens ont affirmé que la foi excède la raison mais qu'il s'agit d'un dépassement et non d'une contradiction. Dieu n'est pas à l'image de l’homme ; il ne faut pas en faire la projection de nos désirs. Son altérité est au-delà de notre représentation.

2) Des théories nouvelles. Jusque-là le monde était une mécanique démontable. L'hypothèse « Dieu » n'était plus nécessaire pour rendre compte des phénomènes physiques. L'homme n'était plus qu'un accident sans portée et le monde vivant ramené à des explications naturelles.

La théorie de la relativité et la mécanique quantique ont changé l’approche. Elles mettent en jeu des formalismes mathématiques complexes et produisent des résultats contre- intuitifs de grande portée philosophique. La science n’est pas un regard « objectif » ni surplombant ; notre connaissance est bornée par un horizon relatif. La physique ne peut nous donner une représentation parfaitement adéquate du monde ni définitive. À travers les phénomènes, nous ne pouvons accéder aux choses mêmes. Nous sommes en interaction constante avec une nature complexe et multiple.

3) Science et Foi peuvent-elles dialoguer ? Le 19e siècle est massivement scientiste. La science est pertinente et s’est imposée par son utilité, les applications pratiques. L’Église a contre-attaqué par l'apologétique des miracles. Cependant il faut éviter tout mélange des genres. Le monde fonctionne d’une manière autonome. La foi, elle, est de l'ordre de l'écoute d'une parole toujours neuve dans l'instant où elle est prononcée. L'Église n'a donc pas à intervenir dans le champ de la science. D'où la liberté réciproque de l'une et de l'autre.

Mais alors le miracle pose question. En fait, c'est l'ensemble de la nature qui mérite l'émerveillement. Jean parle de signes qui doivent être interprétés. Le surnaturel chrétien n'est pas violence faite à la nature mais son accomplissement. 

Le succès de la science peut conduire à penser qu'elle détient la clef universelle. Une pluralité des approches permet d'éviter les visions totalisantes. Sans philosophie, démarche rationnelle argumentée et critique, la religion risque de devenir fondamentaliste et la science scientiste ou positiviste. S’il n'y a pas de preuves scientifiques en faveur de l’existence de Dieu, il faut tirer profit des multiples approches, scientifique, philosophique, théologique, poétique...pour tenter d'éclairer notre manière d'être au monde.

La lecture de ce livre foisonnant et parfois aride – qui ne renonce pas, çà et là, à des redondances, sans doute pour faciliter l'assimilation – laisse le lecteur impressionné devant l'aisance avec laquelle l'auteur traverse quelques siècles de l'histoire de la pensée et arrive ainsi, grâce à une culture encyclopédique, à nous faire saisir les enjeux des rapports entre la science et la foi.


Joël AGAISSE au nom du comité de lecture

La science, l’épreuve de Dieu ?