Parution
Jean-François Colosimo – La crucifixion de l’Ukraine – Mille ans de guerres de religions en Europe
Albin Michel – septembre 2022 – 288 pages – 20,90 €
Voilà un livre qui permettra à chacun d’enrichir ses connaissances et de mieux comprendre le conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine.
L’auteur remonte loin dans l’histoire du continent européen pour dégager les origines profondes des guerres contemporaines, avivées depuis 2014 par l’antagonisme russo-ukrainien.
La thèse est la suivante : le conflit d’aujourd’hui fait suite aux relations compliquées et bien souvent houleuses qui ont caractérisé l’histoire de cette partie de « l’occident », depuis la chute de l’empire romain. Histoire marquée par le développement du christianisme d’abord, puis la séparation progressive des chrétiens entre tradition grecque orthodoxe et tradition catholique romaine, enfin l’arrivée de l’Islam. Le retour du religieux va aujourd’hui de pair avec la faillite des systèmes matérialistes.
Selon l’auteur, l’Ukraine est située sur une ligne de fracture à la fois géographique, historique, culturelle et religieuse, entre deux parties du monde européen. Cette fracture serait antérieure à la constitution de la Russie en tant qu’empire despotique. Nous vivons aujourd’hui un nouvel épisode de la guerre ancestrale entre les monothéismes. Ce que nous prédisait l’Apocalypse, arrive aujourd’hui.
L’ouvrage est bien écrit dans un style vivant, alerte, parfois lyrique et même mystique, multipliant les formules à l’emporte-pièce. Quelques mots savants émaillent le texte, qui compliquent un peu la compréhension : Athonite, dérivé du mont Athos qui renvoie à une forme de monachisme, ou encore Hésychaste, tradition spirituelle orientale. Un glossaire aurait été utile afin d’éclairer le sens de ces mots mystérieux pour les non spécialistes de la spiritualité orthodoxe.
Certaines assertions paraissent un peu douteuses voire floues. Rien n’empêchera les sceptiques d’aller vérifier les faits historiques sur lesquels s’appuie l’auteur. Chacun reste libre de les interpréter.
Le lecteur relèvera des remarques de plus en plus intéressantes lorsque s’approche l’époque contemporaine. Certes, il s’agit d’un plaidoyer en faveur de l’Ukraine, état nation qui souhaite construire son avenir sur le modèle occidental : nouvelle tentative d’échapper à l’emprise russe qui court depuis 100 à 150 ans.
Ce livre ne montre aucun indulgence à l’égard de la Russie après son invasion de l’Ukraine, mais il met aussi le doigt sur l’aveuglement des Européens de l’ouest, fascinés qu’ils étaient par la mondialisation.
Cette vision donne une place prépondérante au rôle des religions dans les guerres qui ne cessent de dévaster l’Europe depuis des années, elle ouvre au lecteur d’autres perspectives que les seules analyses économiques si présentes dans les commentaires à notre époque.
Marie-Hélène Bouvier-Colle pour le Comité de lecture
