La carrière de craie, Jacques Neirynck (Éditions L’Harmattan, 2020 – 19,50€)
Le titre, La carrière de craie, renforcé par le visuel de la couverture, une puissante machine qui déverse le granulat de calcaire, égare au premier abord. Parce que la carrière a fermé, dans cette petite ville industrieuse de la Champagne crayeuse où Jacques Neirynck nous emmène, entraînant dans sa mort toute une population réduite à la misère. Tout comme va sombrer le héros de ce roman quand il est du jour au lendemain viré de son poste de cadre dans un supermarché harddiscount. Et que tomberont aussi ses illusions sur le directeur de ces magasins Atouprix, qui fleurissent sur la misère de leur clientèle en proposant du toujours plus bas de gamme.
Un récit qui s’inscrit donc dans une désolante et banale réalité, celle du déclin trop bien connu de nos petites villes ouvrières broyées par la mondialisation. Au fil du roman, les engrenages sont clairement montrés, sans didactisme pour autant. Mais l’auteur ne se satisfait pas de cette craie devenue grisée : il y a du noir dans son récit, du très noir. Une secte inquiétante, dévoreuse et toute-puissante ; un père tel un ogre aux instincts sexuels jamais assouvis, incestueux ; un religieux coupable d’adultère ; des familles aux membres murés dans le silence… Et un héros faible, qui s’est longtemps aveuglé mais qui, aidé par sa sœur – et la carrière de craie ! – va se réveiller d’un long endormissement complaisant et saura redonner vie autour de lui. Une leçon d’humilité réaliste où le rêve apprend à se teinter d’empathie fraternelle.
Geneviève Le Hir
Jacques Neirynck est membre du CA de la CCBF
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