Pape François – Espère. Autobiographie
Albin Michel – janvier 2025 – 400 p. – 22,90€
Dès le début de son pontificat, François avait donné plusieurs livres d’entretiens. Celui-ci, écrit à la première personne, est vraiment différent. Il devait paraître à titre posthume, mais sans doute son auteur a-t-il jugé que notre époque troublée avait besoin de ce message d’espérance en lien avec le thème de l’année jubilaire.
Dès les premières pages, le lecteur est pris par ce ton de confidence fraternelle. On comprend tout de suite la sensibilité du pape François aux migrants, à la guerre ou à la piété populaire. Venus du Piémont, les Bergoglio débarquent en Argentine en 1927. Le grand-père de Jorge lui parle de la guerre de 14-18. Sa grand-mère Rosa, « l’une des pierres angulaires de [son] existence », lui lègue sa dévotion à Marie. Son père Mario est engagé à la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul. La vie dans le quartier populaire de Flores imprime chez Jorge le goût de vivre « avec les gens », ce qui ne sera pas étranger à son choix d’habiter à Sainte-Marthe, lorsqu’il sera au Vatican.
Le pape raconte avec saveur et simplicité les événements intimes de sa vie : sa naissance épique, son enfance bouleversée par Hiroshima, le temps du séminaire où il s’occupe des malades, les douleurs de son opération du poumon, son année au Chili au milieu des pauvres, marquée par ses premières réflexions sur la spiritualité populaire, « épanouissement de la mémoire d’un peuple » et « une route originale » de l’Esprit Saint. Puis l’élection et le quotidien du pape. Au Vatican on reçoit des visites du monde entier, et l’on est frappé par la faculté d’empathie de François avec toutes ces personnes, confiant au passage « leur douleur est ma douleur ». Des visites qui le font « bouger », comme celle d’une femme yézidi qui le décida à aller en Irak, où il échappa à un attentat à Mossoul, mais où il fut exceptionnellement reçu chez lui par l’ayatollah d’Iran Al Sistani, pour un entretien fraternel.
Le cœur de ce pape bat au rythme du monde, « théâtre de violences » dans lesquelles il voit « les prémices d’une troisième guerre mondiale ». Il a une connaissance et une conscience aiguë de toutes les évolutions et de tous les problèmes contemporains, et il agit sur tous les fronts. Dès le début de la guerre en Ukraine il reçoit Zelenski, se rend à l’ambassade russe près le Saint-Siège, fait des démarches pour le retour des enfants ukrainiens déportés en Russie et pour des échanges de prisonniers. Après le 7 octobre, il rencontre des familles d’otages, et reste en lien avec des chrétiens de Gaza.
À propos de l’Église, il confie que la réforme la plus difficile fut celle de la Curie. C’est un pape pasteur, loin des idéologies et des dogmatismes. Face aux critiques sur la bénédiction de divorcés remariés, il rétorque : « on bénit des personnes, pas des situations », et : « les pasteurs sont là pour accompagner, pas pour exclure ». Le traditionalisme qui se réfère à un supposé âge d’or lui semble étrange, et il tance la rigidité, les « toilettes recherchées... ostentation de cléricalisme... mondanité sectaire ». Au contraire, face aux immenses défis actuels, il doit « se constituer un nouveau type humain, doué d’une spiritualité plus profonde, d’une liberté, d’une intériorité nouvelles ».
En relisant sa vie, selon la tradition ignatienne, François a besoin de confesser ses « fautes de jeunesse » et sa faiblesse (ainsi son besoin de consulter un thérapeute pendant la dictature argentine), mais aussi ses doutes : « Si une personne dit qu’elle a rencontré Dieu avec une certitude totale il y a quelque chose qui cloche. » Mais il se sent un homme pardonné qui reste attaché à l’espérance, « mécanisme puissant de survie », et à la joie, à l’imitation du saint d’Assise dont il a choisi le nom.
Et c’est vrai qu’au fil des pages le lecteur se sent heureux et sourit avec ce frère de route qui prône simplicité, tendresse, amitié, sans moralisme ni hauteur. Avec lui on voyage sur les routes de toute l’humanité et sur celle de Jésus.