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Parution

Émergence, Jacques Neirynck
Éd. Des auteurs des livres, 2022

Une couverture surprenante : dans le haut de la page, un œil à l’iris vert d’eau grand ouvert apparaissant dans un éclat brisé de ce qui semble une courge desséchée et vide, en bas, une étendue d’eau et au centre, deux mains en forme de conque abritant un peu de terre dont émerge une jeune pousse de courge aux feuilles promesses de vie. L’ensemble fait un peu New Age, et le titre, Émergence, accentue cette impression – impression démentie dès les premières lignes !

« L’Entropie est une grandeur physique… » (p.10) Serais-je en train de m’aventurer en des terres réservées à des lecteurs autrement plus compétents en sciences que moi ? J’hésite, mais tourne encore quelques pages et me laisse embarquer dans une grande fresque de l’histoire de l’univers, de notre planète et de l’humanité, avec leurs changements, leurs mutations d’où émergent nouveautés et techniques innovantes. Avec un avenir qui reste en suspens : « Nous, les vivants, ne sommes pas le dernier mot de l’espèce humaine » (p. 47), et n’exclut pas le pire, que nous savons hélas fort possible : « Que deviendrons nos descendants dans cent mille ans si, d’ici là, nous avons exercé la sagesse de ne pas nous exterminer ? » (p. 05)

Une fable, celle de l’île mystérieuse, m’a bien aidée à entrer dans le déroulement de cette fresque : des naufragés, un sol fertile, mais qui finit par s’épuiser. Alors, des audacieux partent en quête d’une autre vallée, au-delà de ce premier havre. On la trouve, mais on finit aussi par l’épuiser. Il en ira ainsi d’une troisième, d’une quatrième, jusqu’au retour dans la vallée initiale devenue un désert. Et tous de comprendre : « Ils avaient abordé sur une île et pas sur un continent, ils en avaient exploité toutes les vallées, ils étaient condamnés à périr d’inanition. » (p.32)

L’érudition est impressionnante, le savoir, encyclopédique, et le projet, ambitieux : tout expliquer par ces deux concepts que sont l’entropie et l’émergence. Je me suis toutefois demandé pourquoi Jacques Neirynck n’avait pas tout simplement utilisé des termes d’usage plus courant, à connotation moins scientifique, comme force de désagrégation, ou d’uniformisation versus force de construction, ou de création. Il me reste aussi comme un sentiment de frustration en terminant la lecture de l’ouvrage : certes, l’auteur consacre un chapitre à nous alerter sur nos mauvaises interprétations des mythes originels, tels ceux présentés dans la Genèse, et sur les funestes conclusions qu’on a pu en tirer, telle la croyance au péché originel. Mais son ultime chapitre, intitulé Nouveau récit de la Genèse, me paraît bien hâtif. Et j’aurais envie de demander à l’auteur : « Et Dieu dans tout ça ?
 

Geneviève Le Hir

Emergence Jacques Neyrinck