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Parution

Paul Valadier, Éloge de la Religion
Salvator – août 2022 – 196 pages – 18€

« Éloge de la religion ». C’est à une entreprise hardie que se livre Paul Valadier, jésuite, professeur émérite au centre Sèvres, tant les religions ont aujourd’hui mauvaise réputation, accusées d’avoir partie liée avec la violence. Que ce soit des attentats terroristes, des discriminations politiques contre des minorités religieuses, des violences de toutes sortes, emprises psychologiques ou abus sexuels… La liste est longue et l’auteur n'en disconvient pas. La question est toutefois de savoir si les religions ne sont pas alors instrumentalisées par des groupes ou des individus, au profit d’autres motivations.

La religion appartiendrait-elle à un passé révolu de l’humanité, comme l’ont pensé certains philosophes ? Faut-il souhaiter une société indifférente à toute recherche de Dieu ? Nos sociétés modernes, plutôt agnostiques que proprement athées, professent un relativisme convaincu. Certains, se détournant des religions, prônent une spiritualité sans Dieu, mais ces spiritualités n’émancipent pas le sujet de lui-même, bien au contraire, elles visent sa satisfaction et l’enferment en lui-même. Les spiritualités des traditions religieuses présentent un tout autre chemin, exigeant, balisé par des maîtres spirituels ; elles ouvrent à un Autre, quelque nom qu’on lui donne.

Chez les chrétiens, dans une même démarche faisant de l’individu le point de référence, c’est la foi qui est opposée à la religion. On privilégie le vécu, les sentiments personnels. Loin des dogmes, on souhaite revenir à la fraîcheur évangélique, sans réaliser que les évangiles eux-mêmes ont été rédigés dans des communautés historiquement situées et qu’on est obligé de passer par une culture pour les aborder. La foi doit être encadrée, éduquée – elle se reçoit d’autrui. Une juste appréciation de sa nature nous fait revenir à la religion.

En effet, une religion institutionnalisée, avec ses textes de référence, ses communautés structurées, ses rites, ses traditions de spiritualité fait échapper l’individu à la subjectivité. Elle « relie » les hommes entre eux, selon une des étymologies possibles du terme « religion ». Le catholicisme, notamment, tend à une universalité, qui favorise la fraternité des hommes entre eux, et invite à une charité en actes. En parlant d’espérance, il propose également un horizon d’avenir, loin de tout repli sur soi et de complaisance à l’égard du nihilisme contemporain.

En fin de lecture, on se pose la question : à quoi renvoie le titre ? S’agit-il de la religion en général ? des religions ? du catholicisme (qui est privilégié dans les derniers chapitres, du fait de l’insertion existentielle de l’auteur et de sa culture) ? Quoi qu’il en soit, ce livre répond fort clairement aux questions générées par la modernité, en en montrant parfois la généalogie, avec des références à des philosophes ou des auteurs spirituels précisées par des notes de bas de page. La religion, telle qu’elle est présentée, « semper reformanda » (toujours à réformer), liée à une foi personnelle, mais pratiquée dans une communauté et s’inscrivant dans l’espace public, est défendue en raison, présentée comme une richesse qui donne forme à une civilisation. C’est le grand mérite de l’auteur d’en avoir fait l’éloge avec cette netteté. 


Sylvie de Chalus, au nom du comité de lecture

 

Éloge de la Religion