Jacques Arnould – Dieu n’a pas besoin de « preuves »
Albin Michel – février 2023 – 198 pages – 19,90 €
La présentation de ce livre ne peut être mieux faite que par l’auteur lui même : « Le croyant n’a que faire de preuves, et Dieu non plus. » Ces quelques mots ouvrent sur un texte d’une éblouissante culture tant de l’infiniment grand que de l’infiniment petit.
En ces temps difficiles, des preuves sont exigées dans tous les domaines. Mais beaucoup ignorent la frontière entre croire et savoir, et c’est à partir de là que va se dérouler tout l’ouvrage de Jacques Arnould, théologien, ancien dominicain, aujourd’hui chargé de mission au CNES (Centre National d’Études Spatiales). Les créationnistes, les tenants de l’intelligence supérieure ou du transhumanisme, parmi d’autres, veulent conforter leurs croyances sur le roc de la vérité, alors que pour notre auteur, « rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » est tout à fait fondamental.
Dans ce petit livre, de nombreux sujets sont abordés. La science en otage, la transcendance en péril, la collision avec le réel, la foi entre le Royaume et les ténèbres, tels sont les grands sujets qui vont donner lieu à divers développements plus passionnants les uns que les autres.
Que la science a été et est encore prise en otage par les tenants du créationnisme n’est plus à démontrer. Un exemple pour illustrer ce propos : lorsque le mot big bang est apparu, certains ont décrété qu’il s’agissait de la création du monde. Et d’interpréter les récits bibliques à partir de ce point scientifique considéré comme solide. Comment peut-on oser tordre le propos scientifique et l’esprit religieux afin de protéger ainsi une illusion rassurante ?
Familier de l’avancée du savoir sur l’espace, sur la physique contemporaine mais aussi sur l’évolution, Jacques Arnould tient en main tous les atouts pour répondre aussi bien aux créationnistes qu’aux transhumanistes.
Une grande fresque de l’histoire des sciences est déroulée. Galilée, Bruno, Copernic… ; leurs travaux, tous décriés par l’Église, et leur condamnation jusqu’au bûcher pour Giordiano Bruno. Dès le XVIIe siècle, Galilée, dans une lettre à la Grande Duchesse Christine de Lorraine, évoque l’autonomie de la science vis à vis de la pensée créationniste. Quand plus près de nous, le Pape Pie XII se félicitait devant l’Académie Pontificale des sciences de constater une certaine concordance entre les récits bibliques sur la création et les travaux des savants de notre époque...
Jacques Arnould s’exprime également tout au long de ce livre en théologien familier des Évangiles : « Dieu, personne ne l’a vu » comme nous le dit saint Jean.
Voici donc un essai nuancé et mesuré « dont la lecture ne rendra pas le croyant plus croyant, ni l’athée moins athée mais les rendra tous deux plus intelligents ».
Claude et Hervé Lauriot Prévost, au nom du Comité de lecture