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Genèse 4, A. Wénin ch. 4

Notes et réflexions n° 4 (15 avril-15 mai)

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Merci des questions et réactions envoyées sur le forum qui prouvent l’acuité de votre lecture de ce chapitre 4 !
Je vais juste revenir sur quelques aspects déjà ébauchés dans la feuille de route.
De mon point de vue, il n’y a aucune explication, aucune justification de la différence de traitement des offrandes des deux frères.
La tradition juive (et la chrétienne ensuite) s’est ingéniée à « justifier » Dieu, en chargeant Caïn de fautes dont le texte ne dit rien. Voir la lettre aux Hébreux 11, 4 : « par sa foi, Abel offrit à Dieu un sacrifice meilleur que Caïn ». Et j’ai un peu l’impression que Wénin s’y essaie à son tour, en montrant que Caïn (acquis par Eve avec Dieu !) souffre du poids d’une mère possessive et castratrice qui empêche sa prise de responsabilité. Qu’Abel, buée ou vapeur, est négligé par elle…
Peut-être que je réagis à tort à ce « mais enfin, madame, vous êtes la mère… », qui m’énerve profondément…
Même Catherine Chalier tente de dévaloriser l’offrande de Caïn par rapport aux agneaux gras d’Abel !!!
Il me semble au contraire, que, puisque tout est fait pour que le lecteur épouse le point de vue de Caïn, il est normal que, comme Caïn, il trouve le choix de Dieu parfaitement injuste.
Sur ce point, je suis volontiers Wénin : le texte nous renvoie à nous-même, et la situation est vraiment exemplaire de ce que nous vivons chaque jour : pourquoi l’autre (le frère) est-il plus intelligent, plus beau, en meilleure santé, plus riche et plus heureux que moi ? Alors même que j’ai bien agi, au moins autant que lui, souvent plus…

Attention, je ne suis pas en train de défendre un conformisme social (que le texte ignore totalement), je consonne simplement au fait que nous sommes inégalement dotés, et qu’il y a différentes façons et possibilités de réagir (qui ne sont ni le wokisme ni le meurtre !).

En tout cas la jalousie est au principe du meurtre ! Mais l’humain a été créé capable de dominer le soupçon semé par le serpent, la jalousie dictée par la bête (« le péché ») tapie à la porte de son cœur.
 Je me posais la question : le mal est-il extérieur ou intérieur à l’être humain ? Il me semble que pour l’auteur de ces textes, en tout cas, le mal est conçu comme antérieur à l’humain. Non pas pour désigner dans la création des anges déchus (légendes juives des premiers siècles avant et après notre ère… Lilith et compagnie, légendes récupérées dans la catéchèse chrétienne, hélas), encore moins un Satan ou un Diable, qui serait le principe du Mal dans une vision gnostique et manichéenne des choses.
Au contraire, il s’agit de façon positive de dire que l’humain n’est pas à la source du mal, et par là de suggérer qu’il peut y échapper et s’en abstraire. Il n’y a pas de fatalité du mal dans l’être humain.
Et Dieu lui vient en aide pour l’inciter à le refuser.
Est-ce un fond d’animalité qui submerge Caïn ?
Je dirais les choses autrement : si le péché (hattat) ici tapi à la porte de son cœur est bien de l’ordre de la cible « ratée » (c’est le sens premier du mot hébreu comme du mot grec hamartia, et Wénin traduit  pour cela « ratée »), alors il s’agit d’un dés-ajustement : Caïn rate sa cible, il sort de l’axe créateur, il se désajuste de la bénédiction divine, et il se désajuste de l’autre humain, son frère.
Ainsi Caïn se laisse persuader par la jalousie qui l’empêche de regarder son frère en face, de voir en lui l’image de Dieu comme lui, Caïn. Peut-être est-ce pour cela qu’il voit son frère comme une « buée » !
Caïn n’a pas relevé la tête pour regarder son frère en face, et il ne lui parle pas…. Ou n’arrive pas à lui parler… alors il le tue.
Dieu a laissé Caïn libre, et il le laisse libre jusqu’au bout : « Où est Abel, ton frère ? Qu’as-tu fait ? », échos aux questions du chapitre 2, 8 et 13.

D’avoir tué le frère rend la terre stérile, on pense aux champs de bataille minés au 20ème… et au 21ème siècle.
Caïn sait qu’il a déclenché la violence et s’attend clairement à l’application du talion : « quiconque me trouve me tuera ». Or, Dieu refuse d’abord le talion. Et protège Caïn. Même si plus tard (au chapitre 9, il sera amené à établir la loi du talion pour contenir la violence humaine (9, 6), Dieu refuse d’abord la peine de mort… Et on s’interroge : interdire la peine de mort, n’est-ce pas pour les humains tenter d’agir à l’image de Dieu ?
Caïn s’enfuit à l’est d’Eden. Non que l’Est éloigne de Dieu (et de l’Eden), mais pour les juifs exilés à Babylone et revenus à Jérusalem, l’Est c’est la Babylonie….

Quant à la descendance de Caïn, elle ouvre sur l’avancée de la civilisation, fondation de ville, semble-t-il, dès Hénoch, son fils. Mais aussi sur la vie des pasteurs nomades, et sur l’utilisation des métaux. Evidemment la généalogie est focalisée sur Lamek et la montée de la violence qui se multiplie au moyen de la vendetta… Il ne faut pas oublier pour autant qu’Hénoch sera dit plus loin « celui qui va et vient avec Dieu » !

Nous allons retrouver cette humanité mêlée, mais d’abord empêtrée dans la violence jusqu’à s’auto-détruire avec le chapitre 5 !
 

Roselyne

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