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Dimanche 24 septembre 2023– 25e dimanche du temps ordinaire – Is 55, 6-9 ; Mt 20, 1-16

La parabole des ouvriers de la onzième heure est à ce point surprenante qu’elle est passée en proverbe. Toutes les paraboles financières sont du même genre : Le serviteur impitoyable ; L’économe infidèle ; L’Enfant prodigue… Toutes mettent en scène un comportement contraire aux usages, voire au bon sens. Ainsi Les ouvriers de la onzième heure ne constituent certainement pas un modèle d’humanisme chrétien et d’économie sociale si on prend le texte au pied de la lettre. Le but du texte n’est pas de prôner un modèle économique. Trop souvent les paraboles sont prises à contresens.

Dans la vie réelle, un patron doit répartir la masse salariale en fonction du mérite de chacun, éventuellement corrigé par les besoins particuliers. Il ne peut certainement pas imposer un salaire unique pour tous les travailleurs, comme le faisait jadis le système communiste en attribuant 600 roubles à chacun (sauf aux dirigeants), ce qui est injuste à l’égard de ceux qui ont fourni un effort de formation ou obtenu une amélioration du rendement. Les acteurs du progrès méritent d’être encouragés car leur action bénéficie à tous.

La parabole évoque donc autre chose que l’on pourrait appeler la justice spirituelle. Le salut n’est pas accordé à proportion des efforts consentis, prières, jeûnes, aumônes, sacrifices, macérations, privations. Ce n’est pas une transaction mais un don libre de Dieu à l’homme, d’autant plus généreux qu’il est plus nécessaire. Celui qui se repent de lourdes fautes au moment de mourir, « à la onzième heure », sera traité de la même façon que celui qui aura passé sa vie dans la vertu. Avec cette conclusion étonnante : « C’est ainsi que les derniers seront premiers et les premiers seront derniers. » Cela rappelle l’autre phrase troublante : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu. »

Pourquoi ? Parce que celle ou celui qui a vécu une vie misérable et a subi le mépris du monde a bien plus besoin d’accueil et de réconfort que de jugement. Parce que la société est ainsi faite qu’elle avantage les privilégiés de la naissance ou de la fortune. Parce que tous les humains se valent, même ceux qui paraissent criminels. Parce qu’un amour infini passe tous les jugements. Le christianisme n’est pas à l’image des religions qui proposent un contrat de vie : le salut contre la vertu.

Dans la culture de l’Occident une application de la parabole s’est petit à petit imposée. La sécurité sociale garantit l’équivalent d’un salaire pour ceux qui ne peuvent pas du tout travailler, handicapés, chômeurs, retraités. C’est devenu tellement naturel que l’on ne se rend plus compte de son origine lointaine, un texte vieux de vingt siècles.

Crédit photo
Image par Bishnu Sarangi de Pixabay
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