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Quand le réalisme l’emporte sur les querelles théologiques

« Romainmôtier est le plus ancien monastère de Suisse. Il fut fondé au milieu du Ve siècle par saint Romain. Il fut repris par l'abbaye de Cluny au Xe siècle. L'église est un des plus anciens édifices de style roman de Suisse. Elle fut érigée dans la première moitié du XIe siècle par Odilon, abbé de Cluny. Depuis 1537 c’est une église paroissiale réformée. »

Cette notice n’exprime pas l’impression de mystère qui frappe tout visiteur des lieux. C’est comme si les prières, qui ont retenti ici pendant quinze siècles, se répétaient en écho. Pour un catholique, il est donc normal de fréquenter cette église. L’idée d’une fraternité œcuménique est apparue tout naturellement dans cette petite commune blottie au pied du Jura dès 1972, voici un demi-siècle déjà. Elle a comporté des religieuses catholiques et réformées, des laïcs des deux confessions. Elle a bénéficié de la bienveillance des deux Églises. L’évêque a fermé les yeux en conseillant simplement de ne lui demander aucune autorisation.

En communion avec les Églises chrétiennes d’Europe et de Suisse, les membres de la Fraternité de prière œcuménique s’engagent à prier pour l’unité des chrétiens dans l’Église de Jésus-Christ. Les offices ont lieu du mardi au samedi, aux heures suivantes, dans le chœur de l’Abbatiale : 8h30, 12h, 18h30. Offices hebdomadaires particuliers : le jeudi soir à 18h30, une Eucharistie est célébrée durant l’office, le samedi à 18h30 se tient la vigile du dimanche, suivie d’un temps de prière.

Comme l’Eucharistie est célébrée en alternance par un pasteur ou un prêtre, le refus ordinaire de l’intercommunion est spontanément dépassé. Sans s’embarrasser des querelles théologiques autour de la présence réelle du Christ dans les espèces consacrées, le réalisme l’emporte. Comme on ne peut dans une fraternité vivante se ranger selon deux catégories, il est normal de considérer tout pratiquant d’abord comme un chrétien, même s’il est issu de différentes traditions qui perdent de leurs oppositions dans la vie de tous les jours. D’ailleurs, si l’on réalisait un sondage parmi les chrétiens d’aujourd’hui sur les différents théologiques entre les différentes confessions, on découvrirait une ignorance partagée par tous et une indifférence pour ce débat.

Ainsi, dans un village perdu dans la campagne vaudoise s’est établie de fait une communauté œcuménique, que l’on pourrait considérer comme une paroisse de fait. D’ailleurs, dans ce pays où les deux confessions sont pratiquement à l’égalité numérique et où les pouvoirs publics les rémunèrent à l’identique, il fallait que cela advienne. Lors de maintes célébrations dans ce canton, l’assemblée comporte réformés et catholiques. Chaque fois l’œcuménisme est réalisé de fait sans s’embarrasser de colloques interminables, qui ne déboucheront jamais sur rien par l’inertie des hiérarchies.

Telle est une des voies par laquelle les catholiques, déçus par le défaut de réformes dans leur Église, pourront les anticiper.

Davantage de détails peuvent être trouvés dans l’ouvrage de Jean-Yves Savoy : Les fraternités œcuméniques de Romainmôtier, Cabédita, 2022.

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