Dimanche 3 novembre 2019 – 31e dimanche du temps – Lc 19, 1-10
Après la veuve qui cassait les pieds d'un juge, après le publicain et le pharisien, aujourd’hui la figure de Zachée nous fait découvrir un autre aspect du cheminement à la suite du Christ. Zachée est chef des collecteurs d’impôt, un grand collabo.
En s'invitant chez lui, Jésus provoque des remous. Les « bien-pensants » estiment que Jésus aurait mieux fait d’aller dans une bonne famille. Au lieu de cela, il va chez un voleur, un homme infréquentable. Pour eux, c’est un scandale. En ne voyant que le passé de Zachée, ils ne lui laissent aucune chance. Nous aussi, nous pouvons être comme cette foule. Pensons à tous ces gens de mauvaise réputation dont on se méfie et qu’on rejette.
Le regard que Jésus pose sur lui et la parole qu’il lui adresse vont retourner cette situation. Ce qui était un handicap va devenir un atout, non pas parce que Jésus transformerait des œuvres mauvaises en actions bonnes, mais parce qu’il choisit de s’inviter chez Zachée d’une manière tout à fait gratuite, et donc pas en raison des qualités personnelles que Zachée aurait et en l'occurrence on ne peut pas dire que se faire du fric en collaborant avec l'occupant soit une opération vertueuse !
À travers l’échange de ces regards et de ces paroles, ce passage nous fait comprendre ce qui est structurel de l’expérience chrétienne : nous devenons disciples du Christ par notre acharnement telle la veuve il y a 15 jours, par notre humilité tel le publicain la semaine dernière, mais aussi en raison du choix et de l’appel de Jésus et de la force avec laquelle il transforme notre vie.
Dans l’Évangile, nous sommes habitués à voir le Seigneur manger avec les pécheurs, et depuis plusieurs dimanches nous voyons que cette situation suscite un questionnement et même provoque un choc : « Comment peut-il faire table commune avec eux, au risque de contracter une impureté rituelle ? » Mais Jésus le dit : « Je ne suis pas venu pour les bien portants mais pour les malades. » (Lc 5, 31)
C’est la prise de conscience de nos incapacités, de nos fautes, de nos misères et de nos limites qui nous rend justement capables d’accueillir la parole qui sauve. Nous ne sommes pas une assemblée de justes venus faire à Dieu l’hommage de notre justice, mais une assemblée de pécheurs qui recevons le message inespéré de la miséricorde. Nous ne serons pas perméables à la grâce si nous sommes fiers de nos états de service. Péguy disait : "les gens bien ne mouillent pas à la grâce."
La conversion de Zachée se traduit par des actes concrets et mesurables et ne se limite pas à nourrir des bons sentiments amicaux à l’égard de Jésus.
Tant de chrétiens suivent avec lenteur et de manière pesante le chemin de la foi puisqu’ils cherchent toujours comment appuyer leur démarche sur ce qu’ils font de bien. Ils ne sont pas encore arrivés à la pleine transparence de la foi qui est d’accueillir le don de Dieu au cœur de notre misère. Il nous faut donc accepter ce retournement de notre manière spontanée de nous présenter qui cherche – c’est bien humain – à faire bonne impression et à ce que l’image que nous donnons de nous-mêmes soit honorable. Or c’est précisément par le côté peu honorable de notre image que le Christ nous attrape ! Il ne cherche pas les personnes respectables pour leur faire gravir quelques marches de plus, mais il appelle les pécheurs et les pauvres pour qu’ils accueillent chez eux sa présence.
Chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie et quand nous sommes réunis le dimanche, nous revivons ce festin où le Christ est venu s’inviter. Ce n’est pas nous qui l’invitons à notre table mais lui qui nous y accueille. Nos églises et nos autels ne sont pas des lieux où nous essayons d’attirer le Christ, mais bien des lieux où il nous attend, pour nous partager la parole qui rend libre et le pain qui rend fort : le Christ lui-même donné en nourriture pour que nous soyons relevés et que nous entrions dans une nouvelle manière de vivre. Voilà pourquoi, chaque jour nous rendons grâce : alors que nous sommes si souvent loin de lui, il se fait proche de nous ; alors que nous sommes par nous-mêmes si peu capables de le reconnaître et d’entrer en relation avec lui, il nous appelle et nous donne les moyens de le recevoir chez nous. « Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »