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Dimanche 11 février 2024 – 6e dimanche du temps ordinaire – Mc 1, 40-45

L’évangile de Marc rapporte la guérison instantanée d’un lépreux par Jésus. Il est tentant de voir dans ce texte une métaphore pour la lèpre morale du péché et de réduire un texte disruptif en une leçon de morale. « Si tu n’obéis pas à la voix de Yahvé…, IL attachera à toi la lèpre. » Selon nos connaissances actuelles, la lèpre est une infection bactérienne, rongeant lentement le système nerveux et produisant des lésions cutanées. Elle ne peut être guérie dans l’instant. Elle est actuellement contrôlée par une longue trithérapie associant trois antibiotiques. Eradiquée spontanément dans les pays développés dès le XIVe siècle, elle ne subsiste que dans les pays les plus pauvres.

Dans la mentalité de l’époque, cette maladie était donc considérée comme la sanction de l’impureté, que les personnes en bonne santé se devait d’éviter par tout contact avec un lépreux ; et celui-ci devait afficher son état en déchirant ses vêtements. Il n’y avait d’ailleurs pas d’autre moyen de juguler la propagation de la maladie.

L’attitude de Jésus s’inscrit en dehors de cette posture. Il se préoccupe du lépreux, échange quelques mots, ne craint pas que l’impureté prétendue lui soit communiquée. Tel est le message le plus frappant au début du christianisme : on sort de la dialectique du pur et de l’impur, non seulement pour les maladies mais aussi pour l’alimentation. Très longtemps à l’avance sur notre époque, on se place dans l’état d’esprit où la maladie, toutes les maladies sont dues à des causes naturelles qu’il faut élucider pour concevoir des traitements efficaces. C’est déjà entrevoir qu’il n’y a aucune exclusion qui soit justifiée. Cette leçon a mis beaucoup de temps à s’imposer. Des millions d’Africains furent réduits en esclavage par les chrétiens sous le seul prétexte de la couleur de leur peau. Voici moins d’un siècle l’Allemagne, la plus civilisée des nations, a réveillé la proscription des juifs. Au sein de notre propre Église aujourd’hui encore, il reste beaucoup à faire pour dépasser les exclusions : les femmes en général, les homosexuels, les divorcés remariés, les migrants.

Cependant Jésus conseille au lépreux guéri de se présenter aux prêtres pour valider sa guérison, payer une aumône et réintégrer la communauté. C’est reconnaître le Temple dans son rôle d’administration du religieux. Très curieusement il faut les deux fonctions : celle du prophète jouissant de pouvoirs extraordinaires et celle du clergé gérant les affaires courantes. Le peuple des croyants a besoin d’une espérance dépassant toute limite et, entretemps, d’une routine apaisante. Dans la situation où nous sommes en Église de France, la juste attitude consiste à ne pas partir mais à ne pas se taire.

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