22 février 2023 – Mercredi des Cendres – Mt 6,1-6.16-18
Les temps qui courent ne sont pas favorables à la pénitence déclinée dans ses trois composantes traditionnelles : jeûne, aumône, prière. Pour beaucoup de ménages, la chute du pouvoir d’achat signifie le jeûne par nécessité : ce n’est plus un acte volontaire mais une contrainte inévitable ; cela ne signifie pas la faim, mais des repas bon marché. Ensuite, dans l’angoisse de la fin du mois, l’aumône est impensable. Et enfin la prière en ces temps perturbés ne paraît pas efficace. Les tyrans semblent trop bien installés, dans l’indifférence du divin.
À l’autre extrémité de l’échelle sociale, des ménages aisés pratiquent des formes de jeûne comme le régime végane ou le Dry January. Ils se privent de viande et de vin parce qu’ils sont convaincus du bénéfice pour leur santé. Et ils pratiquent l’exercice physique, un sommeil régulier, l’économie d’énergie, le refus des voyages en avion. Ils font des dons à des ONG et professent la méditation transcendantale ou le yoga. Leur comportement semble indiscernable de celui de croyants pieux et pratiquants. Cependant leur motivation paraît différente. Elle ne s’inscrirait pas dans une pratique religieuse.
Et pourtant ? Que se passe-t-il dans leur conscience ? « Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n'entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. » (Mt 7,21). Le christianisme se jauge à l’aune des actes et non des discours. L’entrée dans le Carême est un appel à corriger son comportement. Il ne sert à rien de se priver, si l’on continue à offenser la charité la plus élémentaire pour son entourage. Il faut une générosité tacite de l’écoute, de l’attitude, de l’ouverture. Les saints vraiment reconnus de notre époque s’appellent Abbé Pierre et Mère Térésa, plutôt que certains pontifes canonisés à grand bruit.
Il existe donc un grand mouvement vers une authenticité intransigeante. La prise de conscience effectuée par la commission Ciase en est l’exemple le plus significatif. Il devient difficile de pratiquer le jeûne, l’aumône et la prière en se mettant sous l’égide, en suivant les prescriptions et en s’identifiant à une institution, qui est déconsidérée par certains de ses ministres, bien au-delà du cercle des victimes immédiates. Comme le dit Pagnol, la bonne réputation est comme les allumettes, elle ne sert qu’une seule fois.
Dès lors entrer dans le Carême sans recourir à l’imposition des Cendres n’est pas dénué de sens. On peut percevoir que le rite pourrait servir d’alibi. Une résolution forte et respectée le remplace certainement. On s’impose symboliquement les cendres à soi-même en s’efforçant à la charité quotidienne, celle qui est invisible, celle qui sert les autres et qui ne donne pas bonne conscience à bon compte.