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Nous connaissons bien cette proposition qui surplombe les places de parking réservées aux handicapés. Elle me paraît comme inspirée de cette parole de Jésus à cette foule qui fait route avec lui et ne veut pas le lâcher : « Celui qui ne porte pas sa croix

Dimanche 4 septembre 2022 – 23e dimanche du temps ordinaire – Sg 9, 13-18 ; Lc 14, 25-33

« Si tu veux ma place, prends mon handicap ! »

Nous connaissons bien cette proposition qui surplombe les places de parking réservées aux handicapés. Elle me paraît comme inspirée de cette parole de Jésus à cette foule qui fait route avec lui et ne veut pas le lâcher : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. »

Ainsi Jésus veut lever ce qui apparaît comme un malentendu avec la foule sur le chemin vers Jérusalem. Ce chemin n’est pas un voyage organisé, un circuit vacances, ni même un « trail » de l’endurance inaccessible à la plupart des humains ! Savons-nous ce à quoi nous entraîne de « marcher à la suite de Jésus » ? Ou plutôt savons-nous ce qu’est vraiment « marcher à sa suite » ? Accepter de laisser au second plan ce que nous avons de plus cher, ce qui est constitutif de notre existence : parents, enfants, frères, sœurs, jusqu’à votre propre vie. Vivre notre foi de baptisé en Christ, c’est donc accepter aussi de se confronter à ces paroles des évangélistes, Luc et aussi Matthieu, qui nous paraissent provocatrices voire scandaleuses. Elles peuvent aussi donner une force et une exigence particulière à cette autre demande de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » Trop manichéens, ou trop logiques, nous verrions là des contradictions qui pourraient faire chanceler notre crédibilité dans les évangiles. Alors qu’à chaque parole et parabole de Jésus nous sommes simplement invités à voir les choses autrement.

Être disciple n’est pas suivre Jésus extérieurement. L’acte de marcher à coté, ou avec Lui, se change en union réelle, dans un attachement à la personne et à l’esprit du Christ. Et ceci s’opère par des renoncements, des choix qui éloignent de ce qui, a priori, nous est le plus cher et naturellement constitue notre propre vie. Mais ils nous rendent possible la conversion à laquelle nous sommes appelés.

Au regard des premières paroles de Jésus, les deux paraboles qui suivent nous donnent un éclairage plutôt encourageant. Dans les deux cas, avant tout engagement important voire vital, il convient d’écouter la voie de la Sagesse. Comme dans le premier texte (livre de la Sagesse), la sagesse permet de connaître la volonté de Dieu. Et dans l’évangile de Luc la sagesse permet de prendre la mesure de ses capacités et de son engagement dans la durée face à l’ambition de ses projets. Elle est aussi le recours pour éviter la honte d’avoir à se rétracter rapidement. Elle donne la force de mettre les moyens nécessaires pour aller au bout de sa démarche. C’est à dire de dépenser son capital, « sa vie propre » pour réaliser cette belle demeure avec une tour qui pourrait symboliser le Royaume.

Comme me le disait un professeur d’économie (jésuite) : quand tu as trouvé une idée géniale, tu t’assoies pour trouver une autre idée géniale. Ainsi Jésus nous dit : commence par t’asseoir pour calculer, voir si tu peux aller jusqu’au bout. Suivre Jésus, prendre le chemin qu’il nous indique, passe par cette position assise, qui n’est pas passive. Mais nous permet de prendre la vrai mesure de ce qu’implique notre projet d’être « par Lui, avec Lui ».

Mais pour autant faudrait-il penser que celui qui renonce à sa propre vie, qui se sacrifie devient de facto disciple du Christ et marche à sa suite ? C’est une interrogation pour l’Église et la résurgence du statut des prêtres, célibataires ordonnés, qui leur donnerait, comme un privilège, de savoir ce qu’est marcher à la suite du Christ. Mais qu’en est-il de celle ou celui qui a renoncé à exercer un métier à la hauteur de sa formation et de ses capacités pour se consacrer à l’éducation de ses enfants ? De même pour ceux qui ont décidé de vivre dans une grande sobriété à contre-courant du monde de la consommation maximum, et ceux qui choisissent la non-violence, face à l’excès d’agressivité qui animent toutes les relations humaines. Ainsi cette injonction du Christ à renoncer à ce qui nous appartient s’adresse à tous pour devenir son disciple, sans distinction. Il n’y a pas qu’une croix à porter mais « sa croix ». À chacun son renoncement. Ainsi dans les deux paraboles la nature du renoncement est bien différente. Elles n’amènent pas une morale à chacune et chacun d’entre nous, mais elles nous invitent à expérimenter un aspect du Royaume ou du chemin à la suite de Jésus, dans notre vie. Le renoncement n’a de valeur que s’il mène à une conversion constante.

 

Vianney Dannet

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