Aller au contenu principal

Dimanche 25 février 2024 – 2e dimanche de Carême – Mc 9, 2-10

Marc, Matthieu et Luc nous ont transmis quasiment le même récit de la « transfiguration », évènement « extra-ordinaire », qui a effrayé Pierre, Jacques et Jean aux côtés de Jésus. Ils voient apparaître deux personnages emblématiques du judaïsme, Élie et Moïse, qui, disparus depuis longtemps, s’entretiennent avec Jésus. Dans un premier temps, la rencontre est agréable ; en dressant sur place trois tentes, elle pourrait se prolonger. Ensuite, sans transition, les apôtres sont effrayés par la vue de ces deux personnages. Une nuée les enveloppe, les empêche de voir, et une voix retentit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le. » Ils descendent de la montagne, Jésus leur demande de ne raconter à personne ce qu’ils ont vu, jusqu’à ce que le « Fils de l’homme » ressuscite d’entre les morts. Si Jésus est désigné à deux reprises comme Fils, le mystère reste cependant entier.

Dans le premier Testament, YHWH est « Celui qui est », transcendant, éternel et en même temps auteur de l’Alliance indéfectible avec l’humanité tout entière et avec son peuple à travers notamment Abraham et Moïse. Cette Alliance se manifeste de façon récurrente, souvent exprimée par le vocabulaire métaphorique de la paternité de Dieu. Ainsi dans cette injonction de Dieu à Moïse : « Tu diras à Pharaon : "ainsi parle le Seigneur : mon fils premier-né, c’est Israël. Je te dis : laisse partir mon fils pour qu’il me serve" » (Ex. 4,22-23). L’idée de filiation servira aussi à assoir un pouvoir politique d’Israël ; ainsi le roi David portera le titre royal de « Fils de Dieu », à l’instar d’autres royaumes environnants. Tandis que le prophète Osée exprime la tendre paternité de Dieu : « Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d’amour, j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson contre leur joue et je lui tendais de quoi se nourrir. » (11,4) Le Deutéronome fait de cette filiation une filiation personnelle : « Vous êtes des fils pour le Seigneur votre Dieu. » (14,1) Les quatre évangiles, bien que rédigés longtemps après la crucifixion de Jésus, ne peuvent l’abstraire de ce long enseignement des Écritures. Jésus a une relation privilégiée avec YHWH, il le nomme Père ; quand il est nommé Fils de Dieu, cela vient de l’extérieur, jusqu’aux démons qu’il chassera. Pierre lui déclare : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant » (Mt 16,16) ; Jésus lui répond que c’est son Père qui le lui a révélé, laissant comme un écart à jamais ouvert. Après la mort de Jésus, un centurion romain dira : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu » (Mc 15,39). D’ailleurs Jésus ne s’est jamais assimilé à Dieu, affirmation impensable pour un juif.

L’expression « Fils d’homme » ou « Fils de l’homme », au sens de fils d’Adam, figure dans le livre du prophète Daniel, dans sa vision apocalyptique où le « Fils de l’homme » se voit attribuer « souveraineté, gloire et royauté » (7,13-14). L’expression « Fils de l’homme » sera largement reprise dans les quatre évangiles et parfois par Jésus lui-même.

Ces textes utilisent une anthropologie de la filiation solide et commune pour proposer à leurs lecteurs une nouveauté. Dans le récit de la passion : « […] le Grand Prêtre l’interrogeait, il lui dit : "Es-tu le Messie, le Fils du Dieu béni ?" Jésus dit : "Je le suis et vous verrez le Fils de l’homme siégeant à la droite du Tout puissant." » (Mc 14, 61-64) Jésus souligne, pour nous, le lien étroit entre une filiation ontologique et une filiation selon la chair, Alliance éternelle entre le Créateur et la création. Alors, vient cette bonne nouvelle : qui n’est pas fils ou fille de Dieu ?

Crédit photo
https://www.needpix.com/photo/765774/metamorphosis-transfiguration-church-iconography-painting-ceiling-ayios-kornilios-paralimni-cyprus
Image