Dimanche 3 mars 2024 – 3e dimanche de Carême – Jn 2, 13-25
L’évangile rapporte un des rares accès de colère de Jésus, voire son unique manifestation de violence physique. Le Temple de Jérusalem s’était mué en un bazar oriental avec des bureaux de change et des vendeurs d’animaux pour les sacrifices. De ce fait il n’était pas un lieu propice au recueillement. Sa fonction essentielle était sacrifiée à des activités secondaires, quasiment folkloriques, qui satisfaisaient le goût de certains pour une religion à base de transactions. Environné de cultes païens, Israël avait adopté certaines de leurs pratiques. Un sacrifice n’est plus qu’une façon d’acheter la bienveillance de Dieu par une transaction financière, plus généralement par un don.
C’est une tentation perpétuelle de toutes les religions. La Réforme a été déclenchée par Martin Luther lorsqu’il s’est insurgé contre la pratique de vendre des indulgences pour financer la construction de Saint-Pierre de Rome. L’évangile du jour ne se limite pas au récit d’une pratique de l’Antiquité prohibée par Jésus, mais il constitue l’incitation à maintenir une vigilance constante contre cette dérive. Existe-t-il des marchands du Temple aujourd’hui dans l’Église catholique ?
Il n’est pas évident de répondre à cette question car le propre d’un tel marchand sera de se dissimuler dans la coutume, l’habitude, la routine. Il ne se passe manifestement plus de transactions financières à l’intérieur des églises. En revanche, les magasins de souvenirs voisinant le sanctuaire de Lourdes vivent d’un commerce qui suscite moins d’édification que de malaise ; et toute l’économie de la ville dépend des pèlerinages.
Il y a aussi des dons parfois conséquents qui vont surtout à des mouvances sectaires, qui suscitent celles-ci et les maintiennent. À l’intérieur d’un entre-soi on cultive des versions archaïques du catholicisme. Elles connaissent un succès certain parce qu’elles répondent à l’appétit de mystère, de merveilleux, d’exception, de conservatisme, de rigidité. C’est l’ultime trainée du paganisme dans notre pratique.
Le pape François a résumé cette nécessaire vigilance dans sa condamnation du cléricalisme. Aussi longtemps que le clergé se recrutera uniquement parmi des hommes célibataires, investis d’un pouvoir sacré, leur emprise sur les fidèles sera alimentée par ce paternalisme hors du temps et engendrera des comportements pervers. Parmi eux, il y aura toujours des marchands du temple prêts à vendre du divin comme une marchandise, contre un avantage parfois financier, parfois pseudo-spirituel. L’évangile nous appelle à une purification de notre foi : elle n’est pas la base d’une transaction, elle ne rapporte rien, elle n’est pas au service d’un bénéfice tangible. Elle est confiance sans perspective d’une rétribution.