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Le Vatican a dit "non" à la création de ce nouvel organe décisionnel et permanent pour l'Église en Allemagne. Quelles conséquences ?

 

L'évêque Georg Bätzing a déclaré lundi qu'il avait écrit à trois cardinaux du Vatican après que ceux-ci eurent écarté la proposition allemande visant à créer un Conseil synodal permanent composé de laïcs et d'évêques et doté de pouvoirs de direction sur l'Église catholique en Allemagne.

Le président de la conférence épiscopale allemande a déclaré le 27 février qu'il avait expliqué dans une lettre que le Chemin synodal allemand avait adopté en septembre dernier une résolution visant à former un comité pour préparer la voie à un Conseil synodal consultatif et décisionnel.

S'exprimant le premier jour de l'assemblée plénière des évêques à Dresde, Geog Bätzing a déclaré que le comité synodal veillerait à ce que le Conseil synodal soit conforme au droit de l'Église et ne porte pas atteinte à l'autorité des évêques diocésains lors de sa création en 2026.

Il a souligné qu'il était disposé à reprendre les discussions avec les trois cardinaux du Vatican "à tout moment et dans un délai très court", soulignant qu'il était "difficile" de mener la conversation par le biais de lettres.

Le Vatican a indiqué le même jour qu'il s'attendait à ce que les évêques allemands tiennent compte de la lettre publiée le 16 janvier par les trois cardinaux à la tête de la Secrétairerie d'État, des dicastères pour les évêques et pour la doctrine de la foi – les cardinaux Pietro Parolin, Luis Ladaria Ferrer et Marc Ouellet – qui déclaraient que le Chemin synodal n'avait pas le pouvoir d'établir un Conseil synodal "aux niveaux national, diocésain ou paroissial".

S'adressant aux évêques allemands le 27 février, le nonce apostolique, l'archevêque Nikola Eterović, a déclaré qu'il lui avait été demandé "de préciser que, dans l’interprétation correcte du contenu de cette lettre, même un évêque ne peut établir un Conseil synodal au niveau de son diocèse ou d’une paroisse".

G. Bätzing insistant sur le fait que le Conseil synodal devra se mettre en place comme prévu et Rome soulignant qu'il ne le peut pas, que va-t-il se passer ? Trois scénarios sont possibles.

 

Scénario 1 : la voie allemande

Dans le premier scénario, les évêques allemands accepteraient du bout des lèvres les critiques du Vatican à l'égard du Conseil synodal, mais le mettraient en place sous la forme envisagée par le Chemin synodal, cette initiative qui réunit depuis trois ans les évêques et des laïcs pour discuter de changements radicaux dans l'enseignement et les pratiques de l'Église.

La conférence épiscopale allemande semble s'engager dans cette voie. Selon la résolution du Chemin synodal adoptée en septembre, le comité destiné à préparer le terrain pour le Conseil synodal sera composé de 27 évêques diocésains, de 27 membres choisis par le puissant Comité central laïc des catholiques allemands (ZdK) et de 20 membres élus conjointement [par les évêques et le ZdK]. Le ZdK a déjà choisi ses 27 représentants ; les 20 autres seront élus au Comité synodal lors de la cinquième et dernière réunion plénière du Chemin synodal à Francfort du 9 au 11 mars.

Dans ce scénario, les dirigeants de l'Église allemande devraient s'appuyer sur la tactique employée depuis le lancement officiel du Chemin synodal en 2019 : créer des "propositions de terrain" avant que le Vatican n'ait la possibilité d'agir, répondre aux préoccupations inévitables qu’il fera, tout en préparant la prochaine salve de propositions.

Thomas Sternberg, l'un des architectes du Chemin synodal, a commenté ce modus operandi dans une interview claire en décembre dernier. Ce membre du parti politique allemand CDU a déclaré qu'en tant qu'homme politique, il savait "qu'il faut proposer des idées et des processus associés afin que les sujets puissent être efficacement discutés".

Ainsi le Comité synodal est le processus par lequel les évêques allemands abordent la création du Conseil synodal, reconnaissant publiquement les préoccupations du Vatican tout en s'efforçant de donner au futur Conseil un poids important dans la vie de l'Église locale.

Ce scénario nécessite un peu de chance. L'un des trois cardinaux, le chef du dicastère des évêques, le cardinal Ouellet, doit quitter ses fonctions en avril, tandis que le préfet de la doctrine de la foi, le cardinal Ladaria, âgé de 78 ans, pourrait devoir se retirer à tout moment. Si ces deux hommes sont remplacés par des personnalités favorables au Chemin synodal, les évêques allemands seront plus libres de mettre en place le Conseil synodal comme ils le souhaitent.

 

Scénario 2 : la voie du milieu

Peu après la publication de la lettre des trois cardinaux, un deuxième scénario a été esquissé par Mgr Bätzing. Il a déclaré au journal Welt que, même s'il pensait que le Vatican avait tort de bloquer la création d'un Conseil synodal, il croyait qu'il existait une "option de repli."

"Il existe une voie médiane", a-t-il déclaré. "En Allemagne, existe depuis les années 70 ce qu'on appelle la Conférence conjointe, dans laquelle la Conférence des Évêques et le Comité central des catholiques allemands (ZdK) se consultent mutuellement, laïcs et évêques. Cette Conférence s'est vu confier certaines tâches. L'option de repli serait la suivante : rester sur ce modèle tout en lui confiant d’autres tâches importantes et réalisables selon le droit de l'Église."

La Conférence conjointe trouve son origine dans le synode de Würzburg, précurseur du Chemin synodal, qui s'est tenu de 1971 à 1975. Les membres de la Conférence commune – 10 évêques et 10 laïcs – se réunissent deux fois par an pour discuter de sujets communs à la Conférence épiscopale et au ZdK.

G. Bätzing serait-il capable de vendre cette idée d'une Conférence conjointe améliorée à la ZdK, cette dernière ayant menacé à plusieurs reprises de se retirer du Chemin synodal si ses objectifs n'étaient pas atteints ? Cela semble peu probable.

La proposition sera, sans aucun doute, soigneusement examinée par le Vatican pour s'assurer qu'elle ne porte pas atteinte à l'autorité décisionnelle de la Conférence des évêques allemands et des évêques personnellement. C'est un autre point négatif.

 

Scénario 3 : la voie romaine

Dans son discours de lundi, le nonce, Mgr Eterović, a fait une suggestion adressée aux évêques allemands. Et si, disait-il, ils bâtissaient le Comité synodal sur un modèle approuvé par le Vatican ?

"Le Synode des évêques offre un bon exemple d'une telle structure dans l'Église catholique", a-t-il déclaré, expliquant qu'avant la fin d'une assemblée synodale à Rome, les participants élisent les membres d'un Conseil dont la tâche est d'aider le pape à rédiger une exhortation apostolique post-synodale, puis de préparer la prochaine assemblée.

"Si l'on voulait transposer cette pratique à la réalité du Chemin synodal de l'Église catholique en Allemagne", a déclaré Eterović, "Il faudrait mettre en place pour une durée limitée un Comité synodal à caractère consultatif pour évaluer les documents, car les contraintes de temps ne permettent pas une étude approfondie par le Chemin synodal."

"S'il s'agit de décisions importantes, ces documents devraient être approuvés par une majorité des deux tiers des membres de la Conférence épiscopale allemande."

Anticipant l'objection selon laquelle ce comité manquerait de poids, Eterović a fait valoir qu'« avant tout, la synodalité dans l'Église est davantage une question d'esprit et de style que de structures ».

"Au lieu de créer de nouveaux organes avec le risque de plus de bureaucratie, il est nécessaire de revitaliser les organes diocésains existants dans un esprit synodal, a-t-il dit, comme le conseil des prêtres, le collège des consulteurs, le conseil pastoral ou le conseil pour les affaires économiques, etc."

Ni la conférence épiscopale allemande ni le ZdK ne soutiendront cette option parce que ce Conseil ne fonctionnerait que pour une période limitée et non de manière permanente, comme le prévoit la résolution du Chemin synodal.

Enfin ni la Conférence épiscopale ni le ZdK n'ont montré au cours des trois dernières années qu'ils étaient ouverts à l'adoption de cette voie romaine.

 

Quelle perspective ?

Les évêques allemands pourraient dire la voie qu'ils préfèrent à la fin de leur réunion plénière à Dresde cette semaine.

Leur communiqué final pourrait aborder de front la question du Conseil synodal, en affirmant que les évêques soutiennent fermement sa création malgré les objections du Vatican.

Mais ce pourrait ne pas être aussi clair, car les évêques allemands sont divisés. Si une grande majorité soutient inconditionnellement le Chemin synodal, une minorité, petite mais significative, est profondément sceptique à son sujet. La lettre des trois cardinaux du Vatican était elle-même une réponse à une demande de cinq évêques allemands – des diocèses de Cologne, Eichstätt, Augsbourg, Passau et Regensburg – qui souhaitaient savoir s'ils seraient contraints de participer au Comité synodal.

Les cardinaux du Vatican ont rassuré les évêques en leur disant qu'ils n'étaient pas obligés de rejoindre ce Comité et que, de toute façon, le Conseil synodal était illégitime car il semblait "se placer au-dessus de l'autorité de la Conférence épiscopale allemande et, de fait, la remplacer".

Après cette prise de position il est très incertain que cette minorité soutienne une quelconque version du Conseil synodal.

Le résultat le plus probable est que les évêques allemands, tout en reconnaissant que leurs divisions internes sont irréconciliables, continue en majorité à travailler à l'établissement du Conseil synodal, en espérant que les vents contraires romains finiront par se calmer.

 

Luke Coppen, in The PILAR – 28 février 2023

Traduction : Jean-Paul Fayolle

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