Réflexions en cette semaine pour l’unité des Chrétiens
Confronté à la multiplicité des Églises qui se réclament du Christ, aucun chrétien ne peut échapper à cette interrogation. Sa réponse personnelle est limpide : la véritable Église, l’institution qui mérite ce nom, est celle à laquelle ce croyant adhère. Il changerait de confession, voire de religion, s’il éprouvait des doutes significatifs. Or cette démarche est plutôt rare.
La réponse à cette question est donc subjective, mais d’autant plus ferme. Pour tout croyant, il est important de pratiquer sa foi dans le contexte où sa naissance l’a placé, plutôt que de se confronter à une controverse abstraite portant sur des institutions humaines.
Dans la vie de tous les jours, le catholique qui rencontre un protestant, un juif ou un musulman ne s’avise plus de le convertir. Il ne parle pas du tout de religion. S’il en parle, c’est avec beaucoup de discrétion, en se gardant bien de proclamer l’excellence de sa foi personnelle par rapport à celle de son interlocuteur, qu’il importe de ne pas offenser. On peut blâmer cette attitude comme une manifestation de respect humain. On peut aussi la louer comme un authentique respect de l’autre.
Cette réponse des chrétiens ordinaires ne peut cependant satisfaire ni le théologien, ni le magistère. Aux intellectuels qui doutent par profession ou aux pasteurs qui sont souvent interrogés, il faut des vérités objectives. Ils expliquent donc les critères auxquels devrait répondre la véritable Église selon le Credo : l’Église doit être une, sainte, catholique et apostolique. Cela paraît tout à fait logique.
Ce qui l’est nettement moins, c’est l’application de ces critères. En effet, chaque théologien découvre que l’Église dont il fait partie est précisément celle qui remplit au mieux ces exigences. Et, au fond, il reproduit la réponse subjective du chrétien ordinaire, la modestie en moins.
Ce ne serait pas trop grave si, dans son argumentation particulière, le théologien se contentait de mettre en valeur les qualités de son Église propre. Quelque diable le tentant, il en arrive toujours à les exalter par opposition aux défauts supposés des Églises concurrentes. Telle est la position de Dominus Deus, signée par le cardinal Ratzinger.
Les théologiens de l’autre bord s’étranglent naturellement d’indignation et soulignent le médiocre esprit œcuménique de leur collègue. Celui-ci, au lieu de s’excuser, prétend qu’il a été trahi par les médias, qui ont déformé sa pensée, tellement subtile qu’il est seul à en percevoir toutes les nuances.
Bien entendu, ces querelles de préséance entre Églises chrétiennes vont à fins contraires. Elles ne renforcent la position d’aucune Église, mais elles nuisent à toutes. Elles engendrent l’athéisme pratique de nos contemporains, qui se font une idée trop haute de Dieu pour l’enfermer dans de telles chicanes.
S’il fallait inventer un critère décisif pour distinguer la véritable Église de Jésus-Christ, on proposerait celui-ci : une institution tellement respectueuse de la conviction de tous les chrétiens qu’elle ne prétendrait en aucun cas être la meilleure, ni surtout la seule. Elle s’efforcerait d’autant plus de le devenir, qu’elle ne s’en targuerait jamais.
A contrario, au moment même où une Église revendiquerait le monopole de l’excellence, elle perdrait son authenticité.
Car les premiers seront les derniers. Parole d’Évangile.