Dimanche 7 juillet juin 2024 – 14e dimanche du temps ordinaire –Mc 6, 1-6
L’évangile selon Marc de ce dimanche définit ce que la Révélation signifie : une découverte de vérités qui ne doit rien à la faiblesse des hommes ; elle empoigne par surprise et suscite le refus de ceux dont aurait pu attendre une écoute spontanée. Elle est comme le levain dans la pâte et le sel dans un plat, une infime proportion qui modifie la masse tout entière. Une autre expression de cette réalité historique est la formule de l’Esprit dont on ne sait ni d’où il vient, ni où il va. Notre espèce humaine est ainsi travaillée par une évolution spirituelle dont on chercherait en vain le principe en son sein.
Contrairement à une croyance courante, le prophète n’est donc pas un visionnaire de l’avenir mais un révélateur de sens. Il entre nécessairement en contradiction avec le consensus dominant. La fidélité au Christ impliquerait de laisser libre cours à l’Esprit de prophétie, tout en se résignant à ce que les institutions s’y opposent par réflexe : Jésus de Nazareth a payé de la vie sa dissidence par rapport à l’ordre romain et à l’institution du judaïsme.
Rien donc ne se situe autant à l’inverse du christianisme que le refus du débat, la peur du schisme et l’interdit de la recherche. On pense forcément à l’Inquisition, aux guerres de religion et au dogme de l’infaillibilité. Sous le prétexte de défendre l’orthodoxie, se situe la préservation de l’ordre voulu par le pouvoir.
L’évangile de Marc donne incidemment un exemple révélateur de ce refus de la prophétie. Il y est mentionné : « N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » Or l’existence de cette famille est couramment niée pour y substituer la croyance en une « Sainte Famille » où le mari ne serait pas le père, la mère serait vierge et le fils serait unique. Les frères ne seraient que des cousins alors que le grec fait nettement la différence dans le vocabulaire (adelphos, anepsios), comme en français.
On entend (Catéchisme 500) ainsi imposer comme modèle aux familles chrétiennes une abstraction fabuleuse, contraire à la biologie et à notre expérience courante. Or, les versets de l’Écriture, souvent extraits de leur contexte, sont considérés comme Parole de Dieu, par analogie avec le fondamentalisme du Coran. Ce fondamentalisme cède lorsque le texte contredit une croyance, qui parait aujourd’hui plus héritée des préjugés païens que de la prophétie chrétienne.
S’il fallait choisir des prophètes pour notre temps, ce seraient des théologiens comme Joseph Moingt, Hans Küng, Maurice Bellet, un évêque révoqué comme Jacques Gaillot, le mouvement homosexuel chrétien David et Jonathan, des écrivains comme Charles Péguy, des militantes féministes. Tous ont subi des refus, des rebuffades, des mises à l’index. C’est selon l’Évangile du jour une marque de leur authenticité.