Mercredi 1er janvier 2025 – Sainte Marie, mère de Dieu – Lc 2, 16-21
L’évangile mentionne que Jésus fut circoncis comme tous les garçons juifs. Cela n’a rien de surprenant, mais ce fut communément occulté. Les juifs furent persécutés dans l’Occident chrétien, au nom d’un juif. On assiste actuellement à une virulente remontée de l’antisémitisme comme s’il s’agissait d’un marqueur indélébile du christianisme. D’autres pays, la Chine par exemple, commettent des agressions à tendance génocidaire, sans que nous en tenions tout Chinois en France pour responsable. Il faut donc le rappeler : Jésus était juif, comme ses premiers disciples ; les chrétiens doivent respecter et chérir la communauté juive, qui constitue selon la belle formule de la liturgie pascale « nos frères aînés dans la foi ».
Ce texte invite aussi à élargir la perspective au dialogue interreligieux, qui relève aujourd’hui plus d’un vœu pieux que d’une réalité vécue. Les rapports entre les membres des trois religions abrahamiques – chrétiens, juifs et musulmans – ne sont guère charitables, en usant d’une litote. Le conflit est devenu violent au Moyen-Orient. On y fait la guerre au nom d’un Dieu, par définition le même dans les trois confessions, que chacune accapare en exclusivité. Nous, les catholiques français, sommes-nous innocents de cette attitude ?
Nous fûmes et sommes encore enclins à instruire le procès des autres, pour pallier notre refus de considérer nos fautes. S’il y a des terroristes au nom d’un Islam dévoyé, la tendance est d’inculper tous les musulmans, dont la présence en France nous dérange. Dans le débat politique, dans les médias, on se drape dans notre héritage « judéo-chrétien », qui consiste à annexer à notre tradition une religion que nous avons persécutée pendant des siècles. Il faudrait donc se poser cette question qui ne l’est jamais assez : nous les chrétiens, particulièrement les catholiques occidentaux, sommes-nous les meilleurs croyants ? Nous, les Français, faisons-nous partie de cette « fille ainée de l’Église » que serait notre nation au nom de Clovis ? Que signifie la tendance des nationalistes à se réclamer de l’héritage chrétien tout en adoptant une attitude contraire ? Jadis, le Seigneur s’est-il révélé uniquement à un peuple choisi en lui attribuant de droit divin une « Terre Promise » ? Est-ce que toutes ces contradictions ne trahissent pas surtout l’enchevêtrement inextricable de la religion et de la politique ?
Le considérable effort missionnaire qui assura l’extension de notre foi sur tous les continents procéda de l’assurance que nous devions évangéliser des peuples païens, ignorants de la seule révélation qui vaille. Malgré l’abandon du colonialisme vers 1960, ces pays du Tiers-Monde ne se développent pas, sont soumis à la corruption et à la violence, stagnent dans la pauvreté, la famine, les épidémies. Cela ressemble à un suicide collectif de peuples qui ont perdu leurs repères traditionnels en culture, en institutions et même en spiritualité. En abusant de notre suprématie technique qui s’est prise pour une supériorité spirituelle, nous avons semé le désordre sans le remplacer par un ordre dont ils ne veulent pas. Car les Africains ont une autre conception de la propriété, de la solidarité, du pouvoir, qui est tout aussi légitime que la nôtre.
Pouvons-nous comprendre que tous les peuples ont reçu une révélation, chacun à sa manière, dans sa culture, selon ses forces et ses faiblesses ? En se souvenant que Jésus fut élevé dans la religion juive qu’il critiqua « pour l’accomplir et non pour l’abolir ». N’est-ce pas aussi notre défi vis-à-vis des Églises : ne pas les abandonner mais les accomplir.