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Dimanche 18 décembre 2022 – 4e dimanche de l’Avent – Mt 1, 18-25

« Aussi YHWH, lui, vous donnera un signe. Voici, la nubile sera grosse ; elle enfantera un fils. Elle criera son nom : Imanou- Él. –Él avec nous.[1] » (Is 7, 14) La nubile… La traduction de Chouraqui est fidèle à l’hébreu : il s’agit d’une femme en âge de se marier, vierge ou non, mariée ou non. Matthieu utilise le même mot grec que les Septante, ce qui invite à privilégier ici une traduction fidèle au texte hébreu du livre d’Isaïe. Une femme nubile enfante, une parmi d’autres. Cela suggère que le signe est dans le fait que les témoins, la mère (Is 7, 14) et « ils » (v. 23) – par exemple Pierre à Césarée (Mt 10, 16), le centurion au pied de la croix (Mt 27, 54) – reconnaissent le plein accomplissement par ce fils d’humain de la présence en l’homme du souffle de Vie insufflé par YHWH Élohim dans les narines d’Adam (Gn 2, 7).

Un messager de YHWH apparaît en rêve à Joseph, Gabriel est envoyé vers Marie venant d’Élohim. Deux « rencontres » mystiques, avec annonces : à Joseph – « ce qui s’enfante en elle est du souffle sacré1 » (v. 20) –, et à Marie – « le souffle sacré viendra sur toi1 » (Lc 1, 35). Annonces qui ne portent pas sur la conception biologique de Jésus, mais sur le lien entre son enfantement et le souffle de Vie. D’ailleurs Matthieu et Luc ne nous disent rien sur cette conception biologique : leurs récits mettent l’accent sur ses parents, Joseph et Marie, et la relation entre eux.

Dans son annonce, Gabriel ne parle pas du père de l’enfant que Marie va concevoir (Lc 1, 28-32). La réponse de Marie donne au père toute sa place : elle n’est pas dans une posture de toute puissance qui exclut le père, telle celle d’Ève pour Caïn (Gn 4, 1).

Fiancée avec Joseph, Marie est enceinte (le verbe grec est au passif). Comment ? Par qui ? Matthieu ne nous en dit rien : l’important ici est donc le fait que la grossesse soit connue. Joseph en homme juste remplit ses devoirs envers Dieu et les hommes[2] (v. 19). Ne voulant pas sa disgrâce, il décide en lui-même de la répudier en secret. À l’invitation du  messager, il prend avec lui Marie et l’enfant qu’elle porte : il laisse l’initiative au souffle de Vie, à la part « sans-faute », innocente et bienveillante, présente au plus intime de chacun.

Matthieu précise que Joseph ne connaissait pas Marie jusqu’à la naissance de Jésus (v. 25). Connaitre ? Verbe d’abord utilisé dans la Bible pour désigner « l’arbre de la connaissance de bon et mauvais », planté en Éden (Gn 2, 9). YHWH Élohim ordonna à l’humain de ne pas manger de cet arbre (Gn 2, 17) : métaphore de l’interdit d’une connaissance de l’autre qui le dévore, qui ne respecte pas l’altérité ; interdit que le serpent invite à ignorer (Gn 3, 1-5). Verbe utilisé ensuite à propos de la conception de Caïn (Gn 4, 1)… Joseph ne connaît pas Marie : leur relation est une relation sans « dévoration » mutuelle, une relation qui respecte l’altérité.

Joseph et Marie comme boussoles pour chacun sur le chemin vers l’accomplissement de la présence du souffle de Vie. Boussoles pour les parents dans l’accompagnement de leurs enfants dans la découverte de ce souffle de Vie, démarche vers l’accomplissement de leur humanité qui commence dès la conception et qui se poursuit au cours du temps.

 

[1] Trad. Chouraqui

 

[2] Dans le contexte polythéiste grec, « qui remplit ses devoirs envers les dieux et les hommes » est le sens premier du mot grec traduit par «  juste », lorsqu’il s’agit de personnes.

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