Mais pourquoi donc l’Église catholique romaine ne fait-elle pas partie du Conseil œcuménique des Églises ?
À Karlsruhe du 31 août au 8 septembre 2022, le Conseil œcuménique des Églises a tenu une assemblée représentant 352 Églises chrétiennes dans plus de 120 pays et regroupant un demi-milliard de fidèles. Thème : « L'amour du Christ mène le monde à la réconciliation et à l'unité. » La seule absente était l’Église catholique romaine, qui regroupe un peu plus de la moitié des chrétiens. Elle n'est pas membre du COE, mais a un statut d’observatrice.
Cette position en retrait est fondée sur une thèse permanente à travers les siècles : les catholiques estiment que la véritable Église du Christ est réalisée dans l’Église catholique romaine à l’exclusion des autres. Cette doctrine est défendue dans le document Dominus Jesus, signé du futur Benoit XVI :
“Les fidèles sont tenus de professer qu'il existe une continuité historique, fondée sur la succession apostolique, entre l'Église instituée par le Christ et l'Église catholique... D'une part, malgré les divisions entre chrétiens, l'Église du Christ continue à exister en plénitude dans la seule Église catholique ; d'autre part, des éléments nombreux de sanctification et de vérité subsistent hors de ses structures, c'est-à-dire dans les Églises et Communautés ecclésiales qui ne sont pas encore en pleine communion avec l'Église catholique. Mais il faut affirmer de ces dernières que leur force dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l'Église catholique.”
Cette thèse a naturellement suscité à l’époque des réactions négatives dans les Églises réformées auxquelles a répondu l’évêque de Bâle, Kurt Koch : « L’Église catholique ne nie pas que les communautés réformées sont des Églises. Mais elle estime que ces communautés ne sont pas des Églises au sens où elle-même se comprend. » Ce qui laisse entendre qu’il n’y a qu’une seule bonne conception de ce que doit être une Église.
Cette doctrine est admissible dans les pays où l’Église catholique occupe une position de quasi-monopole, la France, l’Espagne, l’Italie, les États héritiers de l’empire romain. Elle l’est beaucoup moins dans les pays où voisinent des Églises diverses, tels l’Allemagne, la Suisse ou les Pays-Bas. Là, les chrétiens de diverses confessions vivent les uns avec les autres, collaborent sur pied d’égalité et souvent contractent des unions mixtes. Il n’est pas humainement acceptable que les catholiques professent dans cette situation que les réformés ne seraient pas des chrétiens accomplis. Dans un couple mixte, il n’est pas faisable de demander à l’un des conjoints d’abjurer : en pratique il faut bien alterner les célébrations à l’église et au temple. Lors de la messe ou de la cène, on ne peut prévenir l’intercommunion. En pratique on relativise toute revendication de monopole d’une confession, fût-elle l’Église catholique romaine."
Les réformés adhèrent soit à une unité invisible, soit à une Église de Jésus-Christ comme la somme de toutes les Églises existantes. Cette conception de l’œcuménisme est-elle vraiment irrecevable pour les fidèles catholiques ? Certains pensent-ils toujours être, sinon les meilleurs, du moins les seuls chrétiens authentiques ? Cette dernière attitude est-elle vraiment chrétienne ? N’évoque-t-elle pas inévitablement la parabole du pharisien et du publicain (Luc,18,9-14) ?
Selon la réponse donnée à ces questions par le peuple chrétien, il s’imposera ou non que l’Église catholique romaine devienne membre à part entière du Conseil Œcuménique des Églises.