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Vendredi 29 mars 2024 – Vendredi Saint – Jn 18, 1 – 19, 42

Les évangiles possèdent un fil conducteur, cet esprit de vérité. Ce Vendredi Saint, lors du dialogue ultime entre Pilate et Jésus mis en scène par l’auteur de l’évangile de Jean, le premier pose une question ironique : « Qu’est-ce que la vérité ? » Car pour lui, pour Rome, pour le monde, elle n’existe pas en tant que telle, elle est une fiction parmi d’autres, celle qui convient au pouvoir. En politique ou en économie, le mensonge est un instrument coutumier. On fait la guerre en prétendant que ce n’en est pas une. On vend un produit pour des qualités qu’il ne possède pas. C’est humain.

Il existe deux façons de mentir : l’une énonce une contre- vérité, on dit ce qui n’est pas ; l’autre camoufle la vérité par la langue de bois, on occulte ce qui est. Toutes deux ont pour but de manipuler l’auditeur, en l’empêchant de réagir comme il le ferait s’il connaissait la réalité. Toutes deux ont pour dessein de fonder le pouvoir sur une réalité factice.

« Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. » (Jn 1, 14). Si les chrétiens ne sont pas fidèles à cette injonction, ils trahissent l’essentiel du message, ils abjurent. Par faiblesse humaine cela arrive forcément pour un individu. Mais quand il s’agit d’une Église chrétienne, elle se met hors communion avec les autres, avec les fidèles demeurés dans la vérité. En croyant adhérer à la vérité, elle s’établit dans le mensonge ; le mal est arboré comme le bien au point de se prescrire comme un devoir.

Un des épisodes les plus dramatiques et les plus révélateurs fut la rupture entre l’Église de Rome et la Réforme luthérienne. Des collectes, effectuées pour financer la construction de la basilique Saint-Pierre, étaient présentées comme des rachats de jours de pénitence. Première mystification : les riches pourraient se délier des pénitences infligées aux seuls pauvres. Second mensonge : cette quête ambiguë fit croire que le Salut pouvait s’acheter, ce qui définit une simonie. Martin Luther s’est opposé à cette croyance : un moine allemand possédait une autre image du christianisme qu’un prélat italien.

Dans la doctrine de l'Église catholique, une indulgence est la réduction ou l'annulation du temps de Purgatoire que doit faire l'âme d'un croyant dont les péchés ont été pardonnés avant l'entrée au Paradis. Cette pratique, empruntée aux traditions judiciaires des peuples germaniques, a été abandonnée au Concile Vatican II. La doctrine antérieure est écartée parce qu’elle était contraire à l’esprit de vérité, elle n’avait aucun fondement scripturaire, elle s’était ajoutée tardivement avec l’invention du Purgatoire au XIIe siècle.

 

Il est facile aujourd’hui de dénoncer un mensonge datant de plusieurs siècles, mais cela ne dispense pas de s’interroger sur la pratique actuelle. Rome est-elle fidèle à l’esprit de vérité ? Refuser l’ordination des femmes ou des hommes mariés, est-ce une vérité révélée ? Condamner des chercheurs en théologie à ne plus enseigner, est-ce promouvoir la recherche de la vérité ? Proscrire la contraception contre le sensus fidei, est-ce une vérité ? Ne serions-nous pas en toute bonne conscience – comme nos ancêtres – des faussaires de Dieu ?

Crédit photo
www.flickr.com - osocnart.leafar
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