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Questions et enjeu

Lors des Assises CCBF du 1er octobre 2022, dont le thème général était « Coresponsables pour agir », Jean-François Bouthors est intervenu pour expliquer qu’il fallait distinguer très clairement le christianisme  de la religion chrétienne. Vous pouvez suivre intégralement cette communication en suivant les liens proposés ci-dessous.

Je voudrais commencer par dire que je fais un net pas de côté par rapport à ce que nous avons entendu ce matin. Pour ce qui est de l’opportunité du Synode sur la synodalité, je n’y crois pas. Cela vient beaucoup trop tard, et surtout, cela n’a  aucune chance de réussir tant que les institutions ecclésiales n’auront pas fait le choix, pour leur fonctionnement propre, de la démocratie qui est, vous allez voir pourquoi et vous serez étonné, une dimension essentielle du christianisme.

Pour ce qui est de l’implosion, elle était annoncée depuis la fin des années soixante ! Jean-Luc Nancy et Gérard Granel, dans la revue Esprit – le premier en 1967, dans un article intitulé « Petit catéchisme de persévérance », le second en 1971, dans son « Rapport sur la situation de l’incroyance en France » – avaient déjà pris acte de la faillite. Pour le premier, l’Église avait fait défection, elle avait rendu     les armes de la transmission de ce dont elle avait été porteuse, ce qui ne l’avait pas  délivré de « la persistance rusée du cléricalisme ». Pour le second, elle était impuissante « à se ressaisir de et dans sa propre inspiration » et faisait écran à son propre message. Ces avertissements n’ont pas été entendus.

Une des clés de ce que je vais expliquer tient à la compréhension que nous avons du mot sécularisation. Il s’agit de savoir si la modernité est le fruit du christianisme, ou si elle se constitue en s’en affranchissant. Si l’on réduit le christianisme à la religion chrétienne, on est fondé à penser la sécularisation comme  un processus d’effacement de la religion. Mais on peut aussi penser, avec le philosophe italien Gianni Vattimo, que « la sécularisation est un effet positif de l’enseignement de Jésus et non pas une façon de s’en éloigner » ou encore, et cette formulation me paraît plus juste, que « l’ensemble des traits principaux de la civilisation occidentale sont structurés par référence au texte fondateur que constituent pour cette civilisation les Écritures judéo-chrétiennes ». Même si la notion de judéo-christianisme me paraît devoir être discutée, et vous comprendrez pourquoi, je penche vers la vision de la sécularisation que retient Vattimo.

Je dirais donc qu’il faut désormais distinguer très clairement le christianisme  de la religion chrétienne. L’Église, et surtout l’Église catholique, n’a plus le monopole du christianisme. Même si elle en est l’une des formes d’expression religieuse, elle n’en est plus la gardienne, elle n’y exerce plus de magistère véritable. Le mouvement de distinction est en réalité très ancien, sans doute faut-il le faire remonter au moins au début de l’humanisme dans la Renaissance italienne, c’est-à-dire au XVIsiècle.

 

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