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Dimanche 20 août 2023– 20e dimanche du temps ordinaire – Is 56, 1, 6-7 ; Mt 15, 21-28

Jésus sort du pays de Génésareth et se retire dans la région de Tyr et de Sidon. Une Cananéenne l’interpelle : « Aie pitié de moi, maître[1], fils de David ; ma fille, cruellement, est possédée du démon. » (v. 22)

À Génésareth, Jésus avait sauvé tous ceux qui le touchaient (Mt 14, 34-36) ; ici, il ne répond pas une parole à cette femme. Mais il ne la renvoie pas. Il dit à ses disciples qu’« il n’a été envoyé que vers les brebis perdues de la maison d’Israël » (v. 24) : Jésus pense à ce moment-là que sa mission ne concerne pas une Cananéenne.

La femme s’adresse de nouveau à Jésus. Elle le salue en se prosternant ; elle l’appelle de nouveau ‘maître’, mais plus ‘fils de David’, nom qui s’inscrit dans la tradition d’Israël, qui n’est pas la sienne ; elle lui demande de venir à son secours : elle s’adresse à un maître qu’elle reconnaît et dont elle espère beaucoup.

Jésus lui répond par une parabole. Des petits enfants, des petits chiens, du pain. Le pain est destiné à nourrir les petits enfants : en utiliser pour nourrir les petits chiens, c’est ipso facto en retirer aux petits enfants. Cela n’est pas juste[2]. Métaphore que la femme transforme : les petites miettes[3]3 qui tombent de la table où les petits enfants partagent leur repas nourrissent les petits chiens. Peu importe la quantité de pain reçue par les petits enfants ou les petits chiens : ils sont nourris dès l’instant où ils en mangent[4] ! Elle « convertit » la problématique proposée par Jésus : partager n’est plus ce qui réduit la part de chacun mais au contraire ce qui permet à tous de se nourrir. Ainsi, par exemple, être rassasié en partageant cinq pains et deux poissons (Mt 14, 16-21) n’est pas réservé aux seuls enfants d’Israël.

« Ô femme, grande ta foi ! Qu’il soit pour toi comme tu veux. » (v. 28) Jésus reconnaît que la femme, étrangère à la maison d’Israël, « se fortifie dans le pacte d’Adonaï » qui « l’accueille dans la maison de sa prière » (Is 56, 6-7). Il intercède pour que son désir soit exaucé : la fille est guérie dès ce moment-là. Signe que Jésus a entendu l’appel de la femme à « convertir » la vision qu’il a de sa mission.

La métaphore proposée par la Cananéenne exprime que l’important est de se nourrir ensemble de ce que Jésus propose, réunis comme on l’est pour un repas partagé. Cela fait pour moi directement écho au fait que lire et étudier ensemble la Bible est chemin pour discerner la présence du divin au plus intime de l’humain. L’important n’est pas le statut social – maître, serviteur ou esclave, par exemple – ni la quantité reçue – une miche ou une petite miette –, mais l’aventure spirituelle de femmes et d’hommes égaux dans leur humanité.

 

[1] Le mot grec kurios, habituellement traduit par « Seigneur », vient d’un adjectif qui a pour sens premier « qui a autorité, ou pleins pouvoirs ».

[2] Le mot grec kalos, habituellement traduit ici par « bien », a pour sens « beau » ; il exprime ici la beauté morale.

[3] Le mot grec utilisé ici est un diminutif du mot qui a pour sens « mie, miette ».

[4] Référence aux repas codifiés du judaïsme, que Jésus connaît, à la fin desquels même les miettes devaient être ramassées ; durant ces repas, les convives, assis selon leur rang, commentaient la torah.

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