Dimanche 22 décembre 2024 – 4e dimanche de l’Avent – He 10, 5-10 ; Lc 1, 39-45
L’Evangile de ce dimanche est propre à Luc, qui met en scène la visite de Marie à sa cousine Elisabeth. Cela fait partie de cet évangile de l’enfance que cet écrivain imprégné de culture grecque se devait de rédiger : dans une biographie d’homme célèbre il fallait commencer par consigner que sa naissance merveilleuse présageait sa destinée d’adulte. La visite constitue une anecdote tout à fait plausible, qui rapporte un entretien entre deux femmes, exceptionnel dans les évangiles. Le récit de la vie tragique de Jésus s’ouvre ainsi sur un instant de convivialité.
Alors que l’évangile évoque le mystère de l’Incarnation, l’épitre de ce dimanche en tire la signification concrète : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes, ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté. » Par cette phrase, une clarification s’opère entre toutes les religions de l’antiquité, imprégnées d’animisme, et l’abandon de celui-ci qui à terme (17 siècles !) sera remplacée par le concept de lois naturelles.
À l’époque le concept de lois de la Nature était inimaginable. Tout phénomène résultait d’une intervention d’un esprit ou de Yahvé. Dès lors il était possible de l’influencer par des sacrifices ou des dons : en se privant de la viande d’une bête ou en abandonnant une somme d’argent, le croyant espérait détourner le malheur, attendrir la justice divine, assurer un succès. Cette démarche est de l’ordre de la transaction : le croyant marchande avec le divin. C’est à la fois une façon de reconnaître sa toute-puissance, de deviner ses intentions et, si possible de les influencer. Ainsi l’armée romaine n’engageait pas de bataille sans avoir au préalable consulté comme oracle les viscères d’un animal.
Le génie du christianisme est d’avoir critiqué et abandonné ces croyances dérisoires. Désormais ne compte que la conduite du fidèle, la relation personnelle avec le Seigneur telle qu’il la ressent, son ouverture et son écoute. C’est passer de la superstition à la foi et aux exigences de celle-ci. C’est s’efforcer de purifier la source.
Car, comme le dit Jean : « N’aimons pas en paroles et en langue, mais en actes et en vérité. » On ne changera pas le déroulement de l’Histoire, si souvent cruelle et injuste, en influençant son cours par des sacrifices magiques, mais en s’engageant dans une action concrète visant la charité et la justice. N’attendons point que Dieu intervienne en suspendant par des prodiges les lois de la Nature dont il est l’ultime prescripteur, mais tenons compte de celles-ci pour nourrir, soigner et instruire les autres. Dans la mesure où l’Occident s’est montré perméable à cette injonction, il a créé une civilisation planétaire en progrès, même si elle est encore loin de la perfection et de la paix. Cela ne permet pas pour autant de disqualifier les autres religions mais au contraire d’entendre ce que chacune peut corriger à la nôtre : le progrès ne se résume pas à la croissance comme nous l’entendons.