Dimanche 16 juillet 2023 – 16e dimanche du temps ordinaire – Mt 13,24-43
Pas facile de faire comprendre aux disciples et à la foule ce qu’est le Royaume de Dieu tant il est « autre » qu’un royaume tel que les humains peuvent l’imaginer : Jésus va utiliser sept paraboles, déroutantes, percutantes, pour donner à son auditoire une chance d’entrevoir ce qu’il est. La semaine dernière nous était proposée la parabole du semeur semant à profusion même sur un terrain ingrat. Aujourd’hui, nous restons dans le registre agricole avec la parabole du bon grain et de l’ivraie, celle de la graine de moutarde et celle du levain dans la pâte. L’une et l’autre évoquent, avec une certaine exagération narrative, propre à frapper les esprits, un phénomène discret de maturation et d’expansion qui va demander du temps.
La parabole du bon grain et de l’ivraie nous montre le maître demandant à ses serviteurs de ne pas arracher la « mauvaise herbe » semée nuitamment par le Malin, ce qui risquerait de déraciner aussi le bon grain. Cette considération agreste est d’une grande justesse car ces deux plantes se ressemblent beaucoup ; après avoir levé, il faut attendre que les plants soient un peu hauts pour les distinguer. À ce moment-là, les racines de l’ivraie étant plus profondes que celles du blé, le risque est grand de déraciner le blé en arrachant l’ivraie.
Viendra le temps de la moisson, où des gens compétents feront ce travail, mais ce n’est pas aux serviteurs de faire ce tri entre le bon grain et l'ivraie, le bien et le mal. Pour l’instant le bon grain et l’ivraie doivent cohabiter dans le même champ. C’est notre humaine condition. L’actualité nous rappelle douloureusement que la cohabitation ne va pas de soi,
Il est instructif de savoir que le mot ivraie vient du grec zizanion, mot d’origine sémitique, qui a donné l’expression française « semer la zizanie », c’est-à-dire les divisions. Tiens tiens… Regardons d’un peu plus près. Est-ce que, sous des allures de conte bucolique, il ne serait pas question de cette lutte éternelle entre le Bien et le Mal, la Vie et la Mort. On y apprend que ce n’est pas Dieu qui a semé l’ivraie, le mal. Déjà dans Genèse lorsque Dieu s’adresse à Caïn qui vient de tuer son frère et lui dit : « [...] le péché, tapi à ta porte, est avide de toi. Mais toi, domine-le. » (Gn 4,
À nous de découvrir que l’ennemi est à l’intérieur, déjà dans le champ, en nous, découvrir que nous sommes à la fois le bien et le mal, qu’il n’est pas besoin d’aller chercher ailleurs un ennemi bouc-émissaire, et que nous avons besoin de la rédemption offerte par Jésus pour être rendus « justes », « a-justés » à Dieu et produire de beaux épis.
C’est le programme de toute une vie : faire fructifier ce qui est « du bon grain », pour étouffer le mauvais, l’empêcher de se répandre ! Confiance : le maitre veille à la moisson !
« Entende qui a des oreilles ! »