Dimanche 26 mars 2023 – 5e dimanche de Carême –Jn 11, 3-7.17.20-27.33b-45
Après les rencontres de la Samaritaine, issue de ce peuple honni des juifs, et de l’aveugle-né, coupable ou non de son handicap, Jean nous emmène sur une préoccupation existentielle pour notre humanité : comment vivre la mort. Non pas la mort comme un thème philosophique, mais celle qui nous touche aux tripes, au cœur, et dans notre corps.
Ainsi Jean nous parle de Jésus à la fois dans une humanité profonde où l’on voit Jésus totalement incarné, homme parmi les hommes, et dans sa mission de glorification du père. À chaque phase de ce récit les deux attitudes apparaissent toujours comme indissociables l’une de l’autre.
Les sœurs de Lazare l’ayant informé avec délicatesse : « Seigneur, celui que tu aimes est malade », Jésus ne répond pas mais dit à son entourage : « La maladie ne conduit pas à la mort. » Nous sommes dans une situation que nous avons pu rencontrer. L’annonce de la maladie nous afflige mais pour autant, toute affaire cessante va t on se précipiter au chevet de l’ami ? On organise, on planifie pour se déplacer, voyager dans les jours qui viennent au milieu de toutes nos activités. Et nous nous sentons, jusque-là, en grande proximité avec Jésus. L’incarnation dans notre humanité est pleine et totale. Alors ce que dit Jésus ensuite peut nous déconcerter : « Elle [la maladie] est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Ainsi Jean replace la mission de Jésus au cœur de l’événement. Tout acte de Jésus est là pour montrer que son pouvoir lui vient de Dieu dont il est fils. Et comme Jean le répète souvent dans son évangile, nul n’accède au père s’il ne passe par le fils.
La deuxième partie du récit nous présente Jésus se rendant à Béthanie, en Judée, au risque de sa vie, comme l’indique la réflexion de Thomas : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui. » Et sans transition : « Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours », confronté à la mort comme tous les juifs alentour et venus de Jérusalem toute proche, à la même enseigne que nous, mortels. Marthe, puis Marie interpellent Jésus sur son absence préjudiciable à la guérison de Lazare. Et c’est comme dans les dialogues avec la Samaritaine, et sur l’aveugle-né, l’opportunité pour Jésus d’affirmer son identité, et de justifier sa relation à Dieu qui lui donne la capacité de dépasser toute « finitude » : de « celui qui boit de l’eau que je lui donnerai n’aura plus soif », puis « aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde », pour aboutir à cette guérison suprême : « celui qui croit en moi, même s’il meurt vivra. »
Le récit se poursuit en troisième partie par cette émotion partagée, signe du partage continuel de notre humanité. Il ne lui est pas possible de donner la guérison, et de vivre le dépassement de notre condition sans l’avoir assumée pleinement. Puis tout est fait à nouveau pour que nous croyons à tel point qu’il n’y a pas de dialogue avec Lazare : « Viens dehors. » Invitation à sortir des ténèbres pour aller vers la lumière. Relèvement et libération des liens qui nous attachent au passé et à notre condition comme pour la Samaritaine et l’aveugle-né. Conscience que l’espérance en la vie n’empêche ni les servitudes, ni les handicaps, ni même l’issue vers la mort, mais qu’en toutes circonstances nous pouvons être accompagnés ou nous-mêmes accompagner pour délier les liens, étancher la soif de vie, ouvrir à la lumière.