Dimanche 19 mai 2024 – Pentecôte – Jn 15, 26-27 ; 16, 12-15
Pourquoi sommes-nous rassemblés ? Parce que nous sommes catholiques et que nous pratiquons le culte de notre religion ? Une religion, c’est en effet un certain nombre d’obligations à remplir pour être en paix avec soi-même et la divinité, parmi lesquelles la participation au sacrifice. Nous aurons fait notre devoir en venant ce matin. Nous aurons dans le même temps pu rencontrer d’autres personnes, moment de fraternité où l’on goûte combien « il est bon pour des frères de vivre ensemble et d’être unis » (Ps 132/133, 1).
Ainsi pensent nombre d’entre nous. Or la pratique de l’évangile n’est pas un culte ou, pour le dire autrement, le culte véritable, « la juste manière de rendre un culte », consiste « à présenter à Dieu notre corps ‑ notre personne tout entière ‑ en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu ». (Rm 12, 1)
Pratiquer l’évangile c’est écouter la parole et la mettre en pratique (Mc 7, 24). Croire selon l’évangile, ce n’est pas remplir des obligations, ni obéir à des commandements, ni donner son assentiment à des vérités, mais mettre sa confiance en Dieu, père de tous, qui nous fait frères de tous, quoi que nous en pensions. Être disciples, c’est se laisser mouvoir par l’esprit qui est Dieu-même pour que son règne arrive, pour que ce monde soit son règne, car « Dieu a tant aimé le monde » (Jn 3, 16) qu’il ne veut pas un autre monde, mais ce monde autrement, selon son amour.
Il est hypocrite ou païen celui qui se dit catholique, qui vient au culte et ne change rien à sa vie, parce que le Dieu de l’évangile ne cesse de faire toutes choses nouvelles, à commencer par les cœurs. Le prophète de la nouvelle alliance l’annonce : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit. » (Ez 36, 26-27a)
Je sais, d’expérience personnelle mais aussi de tant de rencontres, combien il paraît impossible de mettre la parole en pratique. Il faut se défendre dans un monde où le risque que l’on nous marche sur les pieds est important. Je sais d’expérience personnelle et de tant de rencontres combien est confortable l’ancien esclavage, celui du péché, où domine en nous la force qui nous fait croire être maîtres de nous-mêmes. Je sais combien est reposante la servitude volontaire, à la remorque d’un maître ou d’idoles, d’idées toutes faites et dans l’air du temps, y compris en termes d’exclusion, de non remise en cause de ses opinions. Mais…
Mais « le vent de l’esprit souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi pour qui est né du souffle de l’esprit » (Jn 3, 8). La pentecôte est un rituel magique si elle n’est une nouvelle naissance pour chacun et la communauté. « Il vous faut naître d’en haut. » (Jn 3, 7)
Il faut nous laisser guider par l’esprit, « marcher sous la conduite de l’esprit saint » (Ga 5, 13). Cela veut dire que nous ne sommes pas les maîtres à bord de nos vies, c’est un autre qui nous guide, non qu’il nous aurait volé notre liberté mais que nous avons consenti à nous en remettre à lui pour être libres, libérés. Cela signifie exactement que nous sommes entraînés à vivre comme vit Dieu, à mettre dans les relations l’amour qu’il met, à nous aimer, nous respecter les uns les autres.
C’est autre chose que des commandements, des normes à observer, un prêchi-prêcha qui nous donne une conscience d’autant meilleure qu’une fois terminé le culte, nous pouvons tout en oublier ; c’est une conversion ensemble de chaque instant, renouvellement de l’existence entière, personnelle et commune.
Si l’Esprit de Dieu habite en nous, nous ne vivons plus nous mais lui, et laisser la vie de Dieu agir, ça déménage. Si ça ne déménage pas, ne nous étonnons pas de faire du sur-place, de ce que le monde ne change pas, de ce que nous nous noyions dans le marasme de notre médiocrité, que nous n’ayons d’autre choix que celui de la force et de la violence.
« Vous, frères et sœurs, vous avez été appelés à la liberté. Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour votre égoïsme ; au contraire, mettez-vous, par amour, au service les uns des autres. Car toute la loi est accomplie dans l’unique parole que voici : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Mais si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde : vous allez vous détruire les uns les autres. Je vous le dis : marchez sous la conduite de l’esprit saint. » (Ga 5, 12-16)