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« Les soldats russes qui mourront dans la guerre en Ukraine seront lavés de tous leurs péchés », a déclaré le chef de l'Église orthodoxe de Russie, le patriarche Cyrille, qui avait auparavant exprimé son soutien à l'intervention militaire en Ukraine. 

Il copie le discours du djihadisme. Selon certains savants de l’Islam, les terroristes islamistes, qui se font exploser pour entraîner des infidèles dans la mort, seraient instantanément admis dans le paradis d’Allah. Ce chemin de salut passe par le suicide et le meurtre. L’islam intégriste et le christianisme fondamentaliste instrumentalisent le spirituel au bénéfice de la violence, qu’ils exacerbent.

Cette déclaration du patriarche contredit le sixième commandement : « Tu ne commettras pas de meurtre », prescription aussi claire que radicale parce qu’elle ne prévoit pas d’exception. Néanmoins Thomas d’Aquin théorisa jadis une doctrine de la guerre juste. Ce concept vient d’être balayé par le pape François : « Nous ne pouvons donc plus penser à la guerre comme une solution, du fait que les risques seront probablement toujours plus grands que l’utilité hypothétique qu’on lui attribue. Face à cette réalité, il est très difficile aujourd’hui de défendre les critères rationnels, mûris en d’autres temps, pour parler d’une possible "guerre juste". Jamais plus la guerre ! »

Un jugement après décès, qui « laverait » effectivement un soldat russe de ses péchés, y compris les crimes de guerre, relève de l’imagination de ce prélat et de sa complaisance envers le pouvoir. Personne ne sait quoi que ce soit d’un éventuel jugement. Feignant une inspiration divine, la déclaration du patriarche constitue un double encouragement : commettre des crimes et se soustraire à la justice internationale.

La pire des réactions serait d’en déduire quelque supériorité morale de l’Occident par rapport à la Russie. Nous avons aussi cédé à cette tentation. La Wehrmacht nazie portait l’inscription « Gott mit uns » sur ses ceinturons qui se référait à Mathieu 1,23 : « Voici, la vierge sera enceinte, elle enfantera un fils, et on lui donnera le nom d'Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous. »

La perfidie de cette confusion du spirituel et du temporel consiste à situer des actions uniquement sur un plan prétendument spirituel, afin de les soustraire aux règles les plus élémentaires des Droits de l’Homme. Il existerait une justice de Dieu, tellement supérieure à la justice des hommes qu’elle l’englobe, la commande et la rend insignifiante.

N’avons-nous pas cédé à la même illusion récemment ? Les crimes de pédophilie commis au sein de l’Église catholique par des prêtres et des agents pastoraux furent le fait d’une minorité de pervers, qui existe inévitablement dans tous les milieux, à commencer par les familles. Cela n’a rien d’étonnant en soi. Mais la faute de l’Église catholique fut précisément de les dissimuler à la justice civile et, ce faisant, de les conforter. Par l’absolution du péché, un évêque s’imaginait effacer la faute pénale. C’est exactement ce que fait le patriarche.

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