Samedi 1er novembre 2023 – Fête de la Toussaint – Mt 5, 1-12a
Jésus parcourt la Galilée. Il enseigne, il proclame la Bonne Nouvelle, il guérit malades et infirmes. Des foules nombreuses l’accompagnent (Mt 4, 23-25).
Jésus se retire dans la montagne. Ses disciples vont auprès de lui. Il les enseigne : premier enseignement de Jésus dont le contenu nous est rapporté dans l’évangile de Matthieu.
Heureux… Heureux… Heureux… Dans les Psaumes, l’adjectif grec qui scande le début de cet enseignement qualifie le juste, celui qui « a son désir dans la Loi du Seigneur et murmure sa Loi jour et nuit. » (Ps 1, 1-2), et les habitants de la maison du Seigneur (Ps 84, 5).
« Heureux les pauvres par l’esprit, car d’eux est la royauté des cieux.[1] » (v. 3)
« Heureux les étant persécutés à cause de la justice, car d’eux est la royauté des cieux.[1] » (v. 10)
Les pauvres par l’esprit… L’esprit, c’est le souffle de Vie insufflé par le Seigneur Dieu dans les narines d’Adam (Gn 2, 7), que laisse s’exprimer celui qui habite dans la maison du Seigneur. Le pauvre, celui qui est dépourvu de richesse, matérielle ou sociale (influence, position, honneur…), reconnaît qu’il n’est pas tout puissant : il ne prend pas son ego – individuel ou collectif – pour le centre du monde. Sa manière d’être n’est pas pleine d’elle-même. Il lui est donc possible d’entrer dans une relation avec l’autre qui respecte différence et altérité, une relation sans « dévoration ». Et ainsi de respecter l’ordre du respect absolu de l’autre donné, sous forme de métaphore, par le Seigneur Dieu en Gn 2,17.
Les persécutés à cause de la justice… Je pense aux justes de tous les temps qui ont été persécutés parce qu’ils ont « mis leur désir dans les Écritures ». Aux justes qui, comme Jésus qui répond « Moi, je suis » à ceux qui sont venus l’arrêter (Jn 18, 5), ont choisi d’assumer ce qu’ils sont et d’affronter les conséquences de leurs actes : ils témoignent de la présence dans l’humanité d’une « royauté » qui la dépasse.
D’eux est la royauté des cieux… En grec, le pronom personnel est au génitif, ce qui exprime l’origine ou la possession. Or nul ne peut prétendre posséder la royauté des cieux ! Ce génitif exprime donc l’origine. Ces deux versets sont au présent. La pauvreté par l’esprit, l’engagement pour la justice – fût-ce au prix de poursuites ou de persécutions – témoignent du choix de vivre selon la Loi et les enseignements de Jésus, et ainsi de reconnaître la « royauté des cieux ». Jésus nous dit que faire ce choix contribue à rendre cette royauté présente ici et maintenant au sein de l’humanité.
Entre ces deux versets, six versets (4 à 9) qui sont autant d’exemples d’attitudes de celui qui reconnaît la royauté des cieux. Mais ces versets sont au futur. Futur qui est certes à lire dans une perspective eschatologique, comme nous y invite Jésus : votre récompense grande dans les cieux (v. 12). Mais futur qui est également espérance que celui qui vit selon les béatitudes incite ceux qui en sont témoin à faire de même à son égard et à se mettre ‘en marche’ sur ce chemin de vie (cf. Mt 7, 12), et promesse qu’il en sera ainsi pour certains des témoins. Dans cette perspective, les béatitudes sont invitation à agir ici et maintenant dans notre vie sociale.
Ainsi, les béatitudes sont des règles de vie qui permettent à celui qui les met concrètement en pratique d’avancer vers l’accomplissement d’une humanité habitée du souffle de Vie, et d’aider ceux qui l’entourent à le faire.
[1] Traduction au plus près du grec. Au verset 3, la traduction ‘pauvre de cœur’ n’est absolument pas conforme au texte grec