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Dimanche 27 février 2022 – 8e semaine du Temps – Si 27, 4-7 ; 1 Co 15, 54-58 ; Luc 6, 39-45

Le thème des lectures de ce dimanche est résumé dans la formule devenue proverbiale : la paille et la poutre. Ce trait de caractère universel consiste à instruire le procès d’autrui et à le publier. Les lectures le stigmatisent : « les défauts d'un homme apparaissent dans ses discours ; notre Seigneur Jésus-Christ nous a délivrés à la fois de la peur de la mort, de la puissance du péché et de la condamnation de la loi ; la bouche exprime l'abondance du cœur. »

Cet enseignement est intemporel et universel, mais il s’applique plus encore ici et aujourd’hui. Le pays, le continent, le monde sont engagés dans une série de controverses inexpiables : les mesures contre la pandémie, la menace de la transition climatique, l’épouvantail du grand remplacement, la crainte d’un retour de la guerre, le scandale frappant l’Église. D’une façon ou une autre, les défis résultant de ces fléaux ont tous pour origine, proche ou lointaine, les fautes de certains hommes et même de tous les humains.

Il faudrait donc se réformer à plusieurs points de vue : adopter une vie plus sobre, rechercher le consensus plutôt que l’affrontement, accepter de partager avec les plus démunis, mieux accueillir les migrants. Mais ces efforts sont tellement rebutants et contraires à notre nature qu’il est plus gratifiant d’instruire le procès d’une catégorie limitée de la population : le sexe masculin, les homosexuels, les musulmans, les réfugiés, pour la charger de tous les péchés, selon la tactique du bouc émissaire.

Ce qui est vrai de la société en général l’est encore davantage dans de petites cellules sociales, l’entreprise, la famille, un groupe d’intérêt. Rien n’est plus difficile que d’instruire son propre examen de conscience dans les rapports entre hommes et femmes, adultes et jeunes, patrons et travailleurs, élus et citoyens, clercs et laïcs. Comme personne n’est parfait, on perçoit facilement les défauts réels des autres, en se plaçant soi-même dans la position de repère moral à partir duquel énoncer des jugements définitifs. Car on n’a pas souvent la perception personnelle de commettre le mal pour le mal. D’une certaine façon, c’est plutôt par distraction, par négligence, par habitude. Nous ne nous voyons jamais tels que nous sommes, nous ne le pouvons même pas, car ce serait insupportable. Et quand un pays ou l’humanité entière va mal, est-ce autre chose que la résultante de toutes les impuretés ordinaires de chaque citoyen ?

Si chacun extirpait la poutre qui est dans son œil, son incapacité à s’admettre, le poids inconscient des reproches inexprimés qu’il se fait, son impossibilité de se conformer à une « loi » trop exigeante, la vie serait plus facile, plus sereine, moins agitée de conflits inexpiables.

En ce moment, le contexte politique renforce la difficulté d’atteindre la paix des cœurs par la résurgence du racisme et de l’intolérance religieuse, par la virulence des affrontements. Là plus qu’ailleurs, chacun se doit de déceler la poutre dans son œil c’est-à-dire dans le parti auquel il adhère. La démocratie est l’expression politique de la charité si elle vise au consensus et non à la division, si les paroles ne sont pas utilisées pour blesser ou salir mais pour communier dans une joie sereine.


Jacques Neirynck

Crédit photo
Porte de la devise saint galmier © LUDOVIC. R @ flickr.com - CC BY-NC-SA 2.0
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