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25 décembre 2021 – Messe de la nuit – Luc 2, 1-14

Après avoir attendu pendant l’Avent, après avoir allumé une par une les quatre bougies, voici qu’il nous est encore proposé de patienter… jusqu’au milieu de la nuit. La venue du Sauveur que nous célébrons dans la foi est tellement inouïe qu’il faut sûrement avoir d’abord un peu veillé pour en percevoir l’un des sens. Et si jamais le temps de l’Avent ne fut pas celui d’une préparation à la Nativité mais plutôt un tourbillon d’activités dans un emploi du temps débordant, ces dernières heures sont là pour offrir encore à notre cœur la possibilité de s’ouvrir au mystère. Comme à l’affût pour voir une panthère des neiges, après un long exercice de quête patiente, attendre encore dans le froid, sachant qu’à la fin si on ne voit rien c’est que l’on n’a pas su observer (Sylvain Tesson, La Panthère des Neiges).

Car il faut un certain regard pour voir et reconnaître, dans une étable, dans une mangeoire, dans la personne d’un nourrisson l’accomplissement de la promesse de la venue du Sauveur. Cette naissance de Jésus a lieu d’une manière banale, au milieu d’hommes et de femmes ordinaires, mais il n’y a pas de place pour la petite famille dans la salle commune. C’est-à-dire que celui par qui s’accomplit la manifestation de la grâce pour le salut de tous naît d’une manière simple, pauvre et marginale. N’en résonne pas moins le chœur des anges, « Joie au ciel ! Exulte la Terre ! ». Noël, nuit de la paix, nuit pour toutes et tous dans nos marginalités respectives, nuit pour les exclus, nuit où toute solitude est rejointe par l’incarnation de Dieu, par sa présence au milieu des hommes. Voilà un des sens de Noël ! Je pense ainsi à cette photo de Steeve Mc Curry (Porteur, Inde, 1996) représentant un vieux monsieur malingre dormant sur un banc à Bombay et son chien au sol, également assoupi, recroquevillé dans la même position. Venue du ciel, une lumière les enveloppe : « Sur le pays de l’ombre une lumière a resplendi. »

La liturgie chrétienne nous fait célébrer Noël à l’occasion du solstice d’hivers, quand les bougies brillent avec d’autant plus d’éclat au milieu des nuits si longues. Mais dans l’Évangile, les bergers dorment aux champs pour la naissance des agneaux, il s’agit donc du printemps. Nous pouvons comprendre là que dans tous nos hivers, aussi sombres soient-ils, le printemps divin peut advenir.

Dieu naît dans nos vies, dans nos cœurs, dans nos rencontres, quand nous accueillons sa lumière, son esprit. Il vient à nous par des signes de joie et de fraternité. Avec les bergers, nous pouvons alors aller un instant contempler ce mystère de la naissance de Dieu en nous, au milieu de nous. Et, à l’invite du tableau de Botticelli, Vierge à l’Enfant, dite Madone au Livre, nous laisser illuminer par cette présence divine pleine de paix et d’harmonie qui se remet entre nos mains, et nous interpelle : « j’ai confiance en toi. »   


Laure Pastoureau

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