Aller au contenu principal

Dimanche 20 mars 2022 – 3e dimanche de carême – Lc 13, 1-9

Jésus vient de reprocher à ses auditeurs de ne pas discerner par eux-mêmes ce qui est juste[1] (Lc 12, 57). Des gens arrivent et lui annoncent que Pilate a mêlé le sang de Galiléens avec leur sacrifice. La réponse de Jésus est claire : ces Galiléens n’étaient pas plus pêcheurs que les autres. Et il rajoute qu’il en est de même pour les dix-huit personnes tuées par l’effondrement d’une tour à Siloé. Ce qui leur est arrivé n’est pas punition divine de ceux qui auraient fait particulièrement fausse route[2] dans leur vie spirituelle ou sociale. La création vit selon sa propre dynamique, en fonction des choix et des actions des hommes.

Et Jésus interpelle : « Si vous ne changez pas d’avis, tous pareillement, vous périrez. » Puisque Jésus vient de dire que les tragédies de la vie ne sont pas punitions divines, il est raisonnable de penser que Jésus parle ici d’une autre mort, d’ordre spirituel. En grec, le mot traduit par ‘périr’ signifie également ‘se perdre’ au sens moral.

Luc nous propose alors une parabole. Un figuier, planté dans une vigne, n’a pas produit de fruit pendant trois ans. Le propriétaire de la vigne veut faire couper cet arbre qui « laisse la terre inactive ». Son ouvrier-vigneron lui propose d’attendre un an : il travaillera la terre et de mettra du fumier autour du figuier. S’il ne produit toujours pas du fruit, le figuier sera alors coupé.

Le dialogue entre le propriétaire et le vigneron laisse entendre qu’aucun d’eux n’a pris soin de ce figuier, alors que le propriétaire attend de l’arbre qu’il lui donne des fruits. L’arbre n’en a pas produit depuis plusieurs saisons : métaphore du fait qu’il est très difficile – voire impossible – pour quelqu’un à qui personne ne prête attention, sauf pour lui prendre ce qu’il produit, de laisser les forces de Vie qui sont en lui s’exprimer et porter du fruit.

Le propriétaire ne change pas d’attitude : le figuier ne produit pas, il faut donc le couper. Le vigneron, au contraire, propose d’en prendre soin. Les auteurs de ce texte savent que c’est sous le figuier que l’on étudie la torah. Ainsi, le travail de la terre sous le figuier désigne sur le mode métaphorique l’étude de la torah qui libère la capacité à discerner pour porter du fruit. Il y a ceux, tels l’ouvrier-vigneron, qui comprennent que leur attitude contribue à entraver l’épanouissement de la Vie : ils acceptent de s’atteler au travail qui leur revient, interprétant la Loi et les Écritures pour eux-mêmes, pour une communauté— attitude à transmettre et à inscrire dans les générations. Cultiver la vigne, boire le vin et s’enivrer de Vie et de justice. Ceux qui ne le comprennent pas vont vers une mort, un aveuglement spirituel, tels ce propriétaire de la vigne.

Jésus nous met ainsi en face d’un choix, accorder toute sa valeur à ce garder et cultiver les Écritures avec les multiples appels que cela contient, ou ne pas le faire.

Qu’est-il advenu au bout d’une année ? La parabole ne nous en dit rien. Signe que l’important est le discernement, ce mouvement vers une attitude plus juste1, attentive au visage du frère, qui seule permet l’épanouissement de la Vie.


Michel Menvielle

[1] Le juste est celui qui remplit ses devoirs envers Adonaï et les hommes

[2] Le sens premier tu mot grec traduit par « pécheur » est « qui fait fausse route, qui se trompe »

Crédit photo
Figuier et vignes © Fred Bigio @ flickr.com - CC BY 2.0
Image